Tuer 3 millions de milliards d’abeilles
16 Août 2020 , Rédigé par Thierry BILLET
Je suis né dans un département sucrier. L'automne, les routes y sont grasses de la terre qui tombent des tracteurs et des camions qui emmènent le légume aux sucreries. J'ai gardé la mémoire de l'odeur de la cuisson de la pulpe des betteraves à la sucrerie d'ABBEVILLE qui empestait la ville lorsque j'étais lycéen ou quand je contrôlais l'usine en tant qu'inspecteur du travail. A l'époque on ne parlait pas des néonicotinoïdes, ni des abeilles. Depuis quelques jours, les écologistes ne parlent que de cela. De l'impossibilité alléguée de se passer d'un pesticide contre un parasite et de l'accord du gouvernement pour une dérogation.
Mme POMPILI, ministre de l'environnement et députée d'AMIENS parachutée en 2017, connait la taille des tracteurs des betteraviers établis sur des centaines d'hectares et a préféré sans doute ne pas faire de zèle sur le sujet, vue l'épaisseur de la vitre de sa permanence parlementaire.
Le gouvernement a donc dit OUI en prétendant que le risque pour les abeilles était faible avec l'utilisation de graines enrobées et donc sans pulvérisation pendant la période de floraison et qu'il n'y avait pas de substitution biologique possible. Le problème est que c'est un mensonge.
Dans LE MONDE du 12 août 2020, Stéphane FOUCART cite des études précises : "Une part très importante de l’insecticide appliqué sur les semences, de 80 % à plus de 98 % (selon des données publiées en 2003 dans le Bulletin of Insectology), demeure en effet dans les sols. Des cultures mellifères ou attractives pour les abeilles, non traitées mais semées l’année suivante, peuvent ainsi être contaminées et présenter un risque élevé pour les pollinisateurs"
"D’autres travaux, conduits en Suisse et publiés en mars 2019 dans le Journal of Applied Ecology sont allés plus loin. Des chercheurs de l’université de Neuchâtel (Suisse) ont analysé plus de 700 échantillons de plantes et de sols, prélevés sur l’ensemble des régions agricoles helvétiques. Au total, les prélèvements ont été menés sur 169 parcelles issues de 62 exploitations agricoles conduites en agriculture conventionnelle ou biologique. Résultat : tous les échantillons prélevés sur des parcelles conventionnelles contenaient des résidus de néonics, tandis que 93 % des parcelles menées en « bio » – bien que toutes converties depuis plus de dix ans – étaient contaminées, à des concentrations cependant beaucoup plus faibles. Mais même à ces niveaux très bas, les chercheurs suisses identifiaient des risques pour une variété d’insectes non ciblés.
L’une des caractéristiques des néonicotinoïdes est en effet d’être toxiques à des doses d’exposition infimes. Par exemple, l’application de 60 grammes d’imidaclopride (le principal néonic) par hectare, sur les 423 000 hectares de betterave à sucre exploités en France, équivaut à environ 25 tonnes de produit, soit suffisamment pour tuer 3 millions de milliards d’abeilles (4 nanogrammes d’imidaclopride par abeille suffisent à tuer 50 % d’une population exposée, selon la synthèse de référence publiée en 2014 dans Environmental Science and Pollution Research). En comptant un centimètre par hyménoptère, cela représenterait une chaîne d’abeilles mortes d’environ 30 milliards de kilomètres, soit quelque 40 000 allers-retours de la Terre à la Lune."
Il est donc faux d'affirmer comme le fait le gouvernement que les abeilles ne risquent rien.
Quant à l'inexistence d'alternatives, les quelques agriculteurs produisant des betteraves à sucre "bio" ne souffrent pas de la maladie en question. Ils sont marginaux : les gros betteraviers préfèrent hurler auprès de leurs parlementaires et présidents de Région qu'ils soutiennent politiquement et dont ils savent qu'ils n'ont rien à leur refuser, plutôt que de remettre en cause leurs pratiques culturales en adoptant un modèle plus intensif en travail et moins en intrants chimiques.
Je n'ai d'ailleurs trouvé nulle part la moindre enquête sur les efforts réels des agriculteurs pour remplacer l'imidaclopride. Une fois de plus, on a cru les betteraviers sur parole. Et les abeilles mourront en attendant d'autres dérogations à la loi POMPILI sur la biodiversité.
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