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thierry billet

Centre de congrès : explication de vote

26 Mars 2013 , Rédigé par Thierry BILLET Publié dans #Politique locale

Centre des Congrès d’ANNECY LE VIEUX

Conseil communautaire du 28 mars 2013

Un investissement déraisonnable

 

Le conseil communautaire du 28 mars 2013 est appelé à voter l'adoption du projet du centre de congrès sur la presqu'ile d'ALBIGNY pour un montant de l'ordre de 47 millions d'euros selon la maquette de l'architecte norvégien Snohetta.

Le rapport au Conseil communautaire long de quatre pages rappelle l'historique de l'élaboration du projet.

Par contre, il est presque taisant sur le projet lui-même.

La délibération présente sur seulement trois quarts de page le descriptif sommaire du projet sans aucun schéma ni aucun photomontage d'insertion dans le site.

La question de l'équilibre économique n'est pas abordée sauf pour rappeler que l'une des exigences premières du cahier des charges était la nécessité « d'équilibrer financièrement le fonctionnement annuel de cet équipement grâce aux recettes générales de son exploitation ».

Mais aucun élément chiffré n'est fourni dans la délibération (ni ailleurs) pour donner aux conseillers communautaires le moindre élément à ce propos.

Les modalités d'exploitation ultérieure du centre de congrès ne sont pas évoquées alors qu'elles sont déterminantes sur un projet qui n'avait recueilli aucune réponse d'aucune société privée dans le cadre de la délégation de service public envisagée lors du mandat précédent.

La seule certitude du projet est que l'agglomération va dépenser de l'ordre de 50 millions d'euros pour créer 10 emplois directs et générer au mieux un équilibre financier d'exploitation...

Et plus sûrement - au vu des expériences françaises en ce domaine, et par exemple à l'IMPERIAL - un déficit d'exploitation de plusieurs centaines de milliers d'euros par an.

Est-ce raisonnable ?

Peut-on prendre ce pari en 2013 ?

Plusieurs facteurs nous conduisent à considérer que cet investissement est déraisonnable.

  1. D'abord un projet de cette ampleur financière doit être un projet de consensus, où l'on a pris le temps de débattre et de convaincre de l'utilité du projet pour l'ensemble de la population.

Tel n'est pas le cas aujourd'hui, loin s'en faut.

La population est divisée sur ce sujet et les manifestations et pétitions se succèdent en rencontrant un succès manifeste.

Ce projet risque de renforcer encore la coupure entre les « élus » d'une part et les citoyens de l'autre.

Au moment où, de toutes parts, l'on ne promet à nos concitoyens qu'un tour de vis supplémentaire sur leur porte-monnaie, cette dépense considérable va renforcer l'image d'élus coupés de la réalité sociale et des difficultés d'existence des habitants étranglés entre un prix du foncier prohibitif et un avenir économique aléatoire.

Il n'est pas aujourd'hui socialement accepté et va alimenter une polémique et des contentieux multiples alors que nous avons besoin de rassembler les énergies de notre territoire pour affronter les enjeux financiers, économiques et écologiques de ce début de XXI° siècle.

La présentation du projet architectural aux habitants APRES le vote est à ce propos un contre sens démocratique déplorable : il accrédite la thèse des opposants à l'absence d'un réel débat citoyen sur le sujet.

  1. En second lieu, ce projet s'inscrit dans une situation financière des collectivités territoriales, de l'Etat, et des entreprises privées marquée du sceau de la rigueur budgétaire accrue.

Tous les clignotants des finances locales sont au rouge.

La question n'est plus de savoir si nous allons être concernés à la C2A, mais quel est le montant des sommes que l'Etat va nous contraindre à redistribuer dans le cadre de la solidarité horizontale avec les autres collectivités territoriales.

Mais aussi, compte tenu de la part des financements d'Etat dans le budget de la C2A, pendant quelle durée vont se maintenir ces reversements à l'égard de la C2A, collectivité riche, mais largement dépendante de la solidarité nationale après la suppression de la taxe professionnelle ? Sommes nous assurés d'une pérennité de nos ressources ? Rien n'est moins sûr.

Dit autrement, est-ce le moment d'investir pour créer du déficit d'exploitation ?

Ce projet dans les cartons depuis vingt ans n'est il pas « daté » sur le plan économique ?

  1. L'avenir des congrès est-il en effet assuré dans les cinquante ans qui viennent ?

La question d'un tel investissement est celle de son utilisation effective : ne va t'on pas construire un nouvel « éléphant blanc » qui restera une coquille vide ?

Les éléments dont nous disposons aujourd'hui sont pour le moins incertains.

Pour ne prendre que les résultats de 2012, les entreprises établies en France ont réduit de 4,9% leurs dépenses de tourisme d'affaires (réunions, séminaires, conventions) l'an dernier, à 8,47 milliards d'euros, selon une étude de Coach Omnium pour le salon professionnel Bedouk.

Après le plongeon de 2009 (-7,8%), les dépenses étaient progressivement remontées en 2010 (+4,2%) et 2011 (+1,2%). Mais 2012 a douché les espoirs de rattrapage.

"L'année 2012 marque une demande nettement en baisse" et le secteur des réunions professionnelles est "désormais très loin de son niveau d'activité d'avant l'an 2000, qui fait aujourd'hui rêver", selon Mark Watkins, directeur de la société d'études Coach Omnium.

La durée moyenne des réunions professionnelles résidentielles est passée en 15 ans de 3 à 2 journées.

Nous sommes donc face à un marché particulièrement affecté par l'évolution des résultats des entreprises.

On sait déjà, s'agissant du bassin annécien, que la mort de l'aéroport de METZ TESSY est la conséquence des politiques d'économie des entreprises locales qui ont déjà délaissé l'avion.

Globalement le marché est en baisse depuis 13 ans.

Pour 2013, "le secteur souffre d'un manque de visibilité flagrant", a dit Stéphane Barbarin1à l'AFP.

"Je ne suis pas optimiste, car il n'y a pas de raison aujourd'hui d'imaginer que le marché va reprendre: la demande reste faible et les agences événementielles ne voient pas au-delà des trois prochains mois. Et encore".

Qu'est-ce qui peut faire croire qu'il va se redresser ?

Les outils modernes de communication permettent aujourd'hui d'envisager des moyens de conférence de grande qualité sans bouger de son entreprise.

La dépense de prestige que représente le congrès est l'une des premières qui peut être annulée en cas de difficulté économique.

En tout état de cause, les organisateurs rechercheront les coûts les plus bas, ce qui laissera encore moins de chances aux centres de congrès qui auront à amortir leur construction récente.

Quelles sont les entreprises locales ou les secteurs d'activité régionaux qui peuvent aujourd'hui s'engager à utiliser le centre de congrès d'ANNECY pour leur développement ?

Quelles sont les institutions universitaires, de recherche, les laboratoires de la HAUTE SAVOIE qui ont besoin d'un centre de congrès plus grand que l'IMPERIAL ?

Il n'y en a pas.

Dans un monde frappé par l'austérité et la déflation, l'image de congressistes réunis dans des lieux de rêve n'apparaîtra-t'elle pas de plus en plus méprisante pour les citoyens ?

Sans compter l'impact du renchérissement du coût de l'énergie sur les transports aériens et leur impact gravissime sur le réchauffement climatique...

L'ensemble de ces facteurs pèse défavorablement sur ce projet.

Tandis que les espoirs de créations d'emplois par des décideurs qui viendraient à des Congrès à ANNECY et y créeraient des entreprises en tombant sous le charme de notre ville ne sont étayés par aucun exemple concret dans d'autres villes de Congrès.

Il s'agit d'un argument opportuniste qui n'est nullement étayé par une étude des retombées économiques des congrès.

Au demeurant, la qualité de vie au bord du lac est connue de tous et le Centre de congrès n'apportera aucune notoriété nouvelle pouvant faire espérer de telles retombées.

 

En conclusion,

Le moins que l'on puisse attendre du Bureau de la C2A, qui invite le conseil communautaire depuis le début de mandat à l'orthodoxie financière, est qu'il s'assure AVANT le vote de l'investissementqu'un mandataire est d'accord pour prendre la gestion de l'équipement et respecter contractuellement l'équilibre d'exploitation de cet investissement.

Nous ne pouvons financer un investissement qui ne crée pas d'emplois directs en proportion de son montant et qui suscite les pires craintes de déficit d'exploitation.

D'autant que d'autres investissements stratégiques ne sont pas budgétés alors qu'ils sont d'un intérêt majeur pour la vie quotidienne des habitants de l'agglomération.

Citons en quelques uns :

  • les transports collectifs et leur développement dans l'espace et dans le temps

  • la rénovation thermique des bâtiments dans le cadre d'un plan climat territorial ambitieux de l'agglomération

  • la lutte contre la pollution de l'air qui menace gravement la santé publique

Dans ce cadre, nous invitons le conseil communautaire à ne pas voter la délibération proposée au vote du 28 mars.

 

Pierre POLES, conseiller municipal d'ANNECY

Thierry BILLET, maire adjoint d'ANNECY



[1] Directeur Pôle Salons Industrie et Tourisme chez infopro communications

 

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