Les impacts du changement climatique sont déjà là, parmi nous, et ne vont que s'aggraver si rien n'est fait rapidement, a averti lundi 31 mars le Giec dans son dernier rapport rendu public à Yokohama (Japon), le plus alarmiste depuis 2007.
Insécurité alimentaire, pénurie d'eau, déplacements massifs de populations, risques de conflits: "la probabilité d'impacts graves, étendus et irréversibles s'accroît avec l'intensification du réchauffement", avertit ce réquisitoire intitulé "Changement climatique 2014: impacts, adaptation et vulnérabilité".
Le document du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) de l'ONU, prix Nobel de la paix, est le fruit d'un immense travail - 12.000 publications passées en revue - et constitue l'état des lieux scientifique le plus complet depuis le rapport de 2007.
Depuis lors, le monde s'est réuni sans grand succès à Copenhague, Cancun puis Durban, pour tenter de trouver un accord international contraignant afin de lutter contre le réchauffement. Le prochain rendez-vous mondial se déroulera à Paris en 2015 avec en guise de "livre de chevet" le "Résumé pour décideurs", une synthèse du rapport du Giec.
Les travaux du Giec (195 pays) servent en effet de base à ces difficiles négociations internationales sur le financement des actions d'adaptation et la réduction des gaz à effet de serre: l'objectif est de limiter le réchauffement à 2°C en moyenne par rapport aux niveaux pré-industriels, la planète ayant déjà pris 0,8°C et la trajectoire actuelle nous conduisant vers +4°C à la fin du siècle.
"Nous ne sommes pas préparés aux risques liés au changement climatique", a estimé Vicente Barros, co-président du groupe de scientifiques auteurs du rapport.
Depuis Paris, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a estimé que seules des décisions "rapides et courageuses" pourraient éviter la catastrophe.
"On ne peut se payer le luxe d'attendre. Le prix de l'inaction serait catastrophique. Nier la science est une erreur", a lancé le chef de la diplomatie des Etats-Unis, l'un des plus gros pollueurs de la planète avec la Chine.
Le dernier rapport du Giec souligne que ce sont les populations pauvres des pays du Sud qui souffriront le plus du changement climatique.
"La part de la population mondiale confrontée à des pénuries d'eau ou affectée par d'importantes inondations va s'accroître avec le niveau du réchauffement au 21e siècle", souligne-t-il.
Un climat plus chaud aura aussi des conséquences sur la sécurité alimentaire: "tous les aspects de la sécurité alimentaire seront potentiellement affectés", notamment la disponibilité de la nourriture et la stabilité des prix, et les populations des zones rurales seront beaucoup plus touchées.
Si les impacts économiques globaux "sont difficiles à estimer", le Giec estime toutefois que le changement climatique va "ralentir la croissance, (...) réduire la sécurité alimentaire et créer de nouvelles poches de pauvreté".
Une aggravation des événements climatiques extrêmes va engendrer des déplacements de populations, notent les scientifiques.
Moins d'eau et de ressources alimentaires, des migrations accrues, tout cela va indirectement augmenter les risques de conflits violents", met encore en garde le Giec.
Enfin, les problèmes sanitaires causés par des canicules vont empirer, tout comme - dans les régions pauvres - les maladies liées à la malnutrition ou la mauvaise qualité de l'eau.
- Toute la planète concernée -
Et aucune région du monde ne sera épargnée.
En Afrique, l'accès à l'eau sera déterminant. En Europe, ce sera l'aggravation des inondations et leurs conséquences sur les infrastructures et les effets sanitaires des vagues de chaleur.
En Asie, inondations et vagues de chaleur risquent de provoquer d'importants déplacements de population. L'Amérique du Nord va endurer davantage d'évènements extrêmes (canicule, inondations côtières, incendies). L'Amérique latine, comme l'Afrique, sera confrontée au problème de l'eau.
Les régions polaires et les îles seront particulièrement affectées par le réchauffement, via la fonte accélérée des glaciers et la montée des océans.
Nombre de phénomènes physiques sont engagés dans un mouvement irréversible (hausse de la température, montée et acidification des océans, recul des glaciers, etc.), et la nécessité d'agir "à court terme" est toujours plus pressante, dit le Giec.
Il faut donc agir. Le Giec suggère toute une panoplie de mesures d'adaptation à une planète plus chaude: protection des côtes, stockage d'eau, irrigation, nouvelles pratiques agricoles, systèmes d'alerte sanitaire, déplacement d'habitats, etc.
Pour Chris Field, co-auteur du rapport, les problèmes posés par le réchauffement "ne sont pas insolubles, le vrai problème est que nous ne sommes pas assez ambitieux et aggressifs pour les résoudre", dit-il à l'AFP.
(Avec AFP)