De l'inox oxydable dans le nucléaire
20 Janvier 2022 , Rédigé par Thierry BILLET
Après le choc pétrolier de 1973, les militaires et les polytechniciens convainquirent la Droite que l'avenir de l'indépendance de la FRANCE passait par le nucléaire civil, après le nucléaire militaire. La CGT d'EDF qui cogérait l'entreprise publique depuis la Libération (quelle autre entreprise indexe le budget des oeuvres sociales sur le chiffre d'affaires et non sur la masse salariale ?) convainquit le Parti communiste (20% des voix dans les années 1970). L'affaire était faite, le consensus droite/gauche était acquis à la cause nucléaire.
Seuls la CFDT et les écologistes interrogèrent la société sur "les dégâts du progrès" selon le titre du bel ouvrage de la CFDT. Pour faire taire les récalcitrants, l'Etat a tué Vital Michalon en 1977 à MALVILLE, le surgénérateur dont la gabegie conduisit à sa fermeture en 1997 sans qu'il ait produit un kw d'électricité.
Le mythe de l'excellence française en ce domaine a survécu à TCHERNOBYL, à FUKUSHIMA, au fiasco des nouvelles centrales nucléaires EPR en Finlande et à Flamanville, aux incidents à répétition. Le coût de Flamanville a triplé depuis son lancement. Il atteint avec les frais financiers 19 milliards d'euros selon la Cour des comptes.
Et voilà que l'on apprend que l'inox d'une conduite d'injection de sécurité qui permet d'injecter de l'eau pour refroidir le coeur du réacteur en cas d'accident de plusieurs centrales est devenu... oxydable ... et qu'il est possible que toutes les centrales soient concernées.
Il faut être français pour refuser de voir l'évidence - et alors que 17 tranches nucléaires sont à l'arrêt pour maintenance - d'une incapacité du nucléaire à assurer un avenir énergétique au pays. Que MACRON ou PÉCRESSE gagne la présidentielle et nous aurons droit à une relance du programme électronucléaire alors même qu'EDF est incapable de financer le "grand carénage" des centrales nucléaires existantes évalué à 100 milliards d'euros. Et que l'Etat vient de forcer ces jours-ci EDF à vendre à perte de l'électricité nucléaire à ses concurrents pour éviter une flambée des prix de l'électricité cet hiver à quelques mois de la présidentielle; soit une perte de 8 milliards d'euros pour EDF. La dette officielle d'EDF est aujourd'hui de 42 milliards d'euros.
Tous ces chiffres donnent le tournis. Ils sont tellement élevés que le citoyen moyen se dit qu'il n'a plus qu'une chose à faire : faire confiance en croisant les doigts pour que l'inoxydable reste inoxydable, que l'hiver ne soit pas trop rigoureux, qu'un sous-traitant d'EDF ne laisse pas traîner un outil, qu'on découvre de l'uranium en France, etc etc.
En réalité, la seule véritable chance du nucléaire, c'est que tous les responsables politiques français qui l'ont encensé ne peuvent plus aujourd'hui changer de disque et reconnaître qu'ils se sont trompés. Ils sont embarqués dans un bateau serinant depuis 50 ans "indépendance nationale", "technologie d'exception" "excellence française" et ils ne savent pas changer de cap et reconnaître que le roi est nu et que le chemin nucléaire est une impasse illustrée par la question du stockage des déchets ultimes dans laquelle ils sont embourbés.
Lors d'une conférence à ANNECY, Pierre RADANNE avait marqué mon esprit en rappelant que le nucléaire ne s'était développé que là où il existait un Etat fort centralisateur capable d'imposer sa volonté (c'est à dire celle de la technostructure) au peuple (Japon, France, URSS,...). Partout où le système est fédéral ou décentralisé, le nucléaire n'a pas pris ou a été mis à l'arrêt (Suisse, Belgique, Allemagne,...). Le nucléaire français demeure en réalité la "chose" d'un Etat centralisateur décidant du Bien et du Mal pour les citoyens. Ce n'est pas Jupiter Macron qui changera cela. Jusqu'à la catastrophe écologique ou économique que l'Autorité de sureté nucléaire (ASN) n'aura pas anticipé... Tiens demain, je vous parlerai de l'ASN...
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