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thierry billet

Grenelle : HULOT tempête.

23 Septembre 2008 , Rédigé par Thierry BILLET Publié dans #Environnement


Nicolas Hulot, animateur télé et écologiste, est président de la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme.
Voici son interview dans LIBERATION :

 Les atermoiements du gouvernement sur la fiscalité verte sont-ils le signe de l’enterrement à venir du Grenelle de l’environnement?

La première chose à faire, c’est siffler la fin de la récré ! Cela fuse dans tous les sens, c’est du grand n’importe quoi. Un coup on nous dit «on vire le bonus-malus», un coup on nous dit «on va l’examiner». D’accord, il faut encore attendre, et regarder les choses concrètes, la loi Grenelle 2 à venir [qui doit traiter en particulier des transports, du logement, de la préservation de la biodiversité et qui devrait être transmise dans les jours qui viennent au Conseil d’Etat, ndlr], les modalités d’application et les financements qui iront avec. Mais quand même. Le Grenelle de l’environnement, ce n’est pas la panacée, mais il a ouvert une dynamique dont il faut se réjouir, une avancée qui a donné un élan. Et si, dès la première étape importante, on ne parvient pas à montrer un signe fort à la société, qui se traduise par un vote unanime à l’Assemblée nationale, c’est à désespérer.

Etes-vous surpris par la virulence des attaques contre Jean-Louis Borloo, qui souhaite étendre le bonus-malus à d’autres produits de consommation?

Je n’ai jamais imaginé que ce processus irait à son terme sereinement et que les vieux démons n’allaient pas resurgir. Il y a des gens en France qui n’ont toujours pas visualisé la contrainte majeure devant nous - la survie de la planète -, qui nous oblige à trouver des solutions. Ces mêmes personnes, systématiquement, font marche arrière à la moindre proposition, sans avancer d’alternative. Je veux bien admettre qu’il y a des choses proposées dans le Grenelle qui ne sont pas parfaites, mais on ne peut n’y opposer que des résistances, du délitement. Il faut que cela s’arrête, ça devient ridicule.

Résultat, tout débat sur la fiscalité environnementale est-il torpillé par les querelles de préau?

Mais cela fait des années que je réclame un vrai débat, en profondeur sur la fiscalité écologique, dans laquelle j’englobe la fiscalité énergétique! Avec pour point focus le déplacement de la fiscalité du travail sur la fiscalité environnementale, pour que les choses se fassent à pression fiscale égale. Les Suédois l’ont fait et cela n’a pas foutu leur économie à terre. A partir de là, il y a plusieurs pistes, plusieurs outils possibles qui permettent de réguler des flux et de susciter de la créativité industrielle pour offrir aux citoyens des choix pour s’équiper de biens de consommation moins consommateurs d’énergie. Dans ces outils, évidemment, la fiscalité incitative dissuasive peut être utile, même s’il peut y avoir des effets rebonds. Des bonus tellement incitatifs qu’ils peuvent inciter certains à acheter deux biens d’équipements plutôt qu’un seul.

 En période de crise, comme celle financière et économique d’aujourd’hui, l’environnement est-il condamné à jouer le rôle de variable d’ajustement?

Cela révèle que le principal verrou sur ces questions vitales reste un verrou culturel. Il y a une inertie culturelle crasse. On se gargarise tellement du terme développement durable qu’il finit par me donner la nausée. Quand je vois ceux qui veulent faire un grand prix de F1 aux portes de Paris sous le signe du développement durable, je dis «halte au feu»! Il faut être cohérent. Je sais bien qu’il y a des résistances au sein même de l’exécutif. On n’a guère entendu Matignon : il y avait du côté du Premier ministre des réticences sur la loi OGM. Elles se reproduisent. Et je ne suis pas étonné qu’un certain nombre de députés et sénateurs, qui ont des préjugés gigantesques sur ces sujets-là, soient dans le refus et le déni. Qu’ils refusent, d’accord, mais qu’ils proposent autre chose.

L’Elysée est-il piégé par ses engagements qu’il ne peut tenir?


Pour l’heure, ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui pose problème. On pourra avoir un commentaire définitif quand on connaîtra la loi Grenelle 2. Je rappelle quand même que le candidat Sarkozy s’est engagé à doubler la fiscalité énergétique environnementale. Il y a donc de la marge. Ce qui n’est pas normal, c’est que plus de 70% de notre fiscalité porte sur le travail, alors que c’est l’énergie, les impacts environnementaux et les ressources naturelles qu’il faut réguler. Il n’y a pas besoin d’être prix Nobel d’économie pour dire qu’il y a un truc qui ne va pas dans le système. Même Jean-Pierre Raffarin, à l’époque Premier ministre, et j’avais eu du mal à le convaincre, a accepté une commission sur les financements innovants, présidée par Jean-Pierre Landeau. Plein de pistes passionnantes avaient été explorées [dont celle qui a donné lieu à la taxation sur les billets d’avion pour financer un fonds de médicaments pour les pays du Sud]. Mais tout le reste doit être dans un coffre-fort et ne sert à personne. Idem pour le livre vert sur la fiscalité environnementale de la Commission européenne. On en revient à l’époque du pauvre Serge Lepeltier [ministre de l’Ecologie et du Développement durable entre 2004 et 2005], sorti par la petite porte à l’Assemblée nationale face au tollé des députés qui ne voulaient pas entendre parler d’un malus sur les 4x4! Qu’il faille prendre son temps, regarder les effets pervers, OK. Mais là, il y a vraiment une confusion. Il faut donc siffler la fin de la récré.
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