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thierry billet

Hubert HUERTAS dans le texte, à méditer pour se mobiliser

28 Novembre 2016 , Rédigé par Thierry BILLET

La victoire écrasante de François Fillon prouve que la droite n’est pas inquiète. En choisissant le candidat le plus dur, doté du programme d’austérité le plus radical depuis la Libération, elle exprime un sentiment de toute-puissance. Pour elle, la gauche n’existe plus.

 Si François Fillon a gagné la primaire, c’est que la gauche n’existe plus. Voilà le message des électeurs de la droite. Ils sont certains que leur champion dispose du tempérament, et d’une occasion unique pour agir sans se demander si telle ou telle mesure sera trop dure à imposer, ou trop risquée à mettre en œuvre. François Fillon et Alain Juppé avaient grosso modo le même programme, c’est-à-dire le catalogue le plus libéral et le plus conservateur depuis la guerre de 1940-1945, et ce qui les a départagés, avec un écart impressionnant, c’est que le maire de Bordeaux comptait arrondir les angles, alors que le député de Paris promettait de les aiguiser. Avec lui, si l’on en croit ses discours, ce sera à prendre ou à laisser.

À prendre : le plan social le plus énorme de l’histoire de France, 500 000 emplois de fonctionnaires supprimés. À prendre : un plan d’austérité deux à trois fois plus drastique que celui du quinquennat Hollande. À prendre : la baisse des impôts massive pour les plus riches et pour les entreprises, jointe à la hausse de la TVA pour les ménages. À prendre : la fin de la durée hebdomadaire du travail, désormais plafonnée à 48 heures. À prendre : 39 heures payées 37 dans la fonction publique. À prendre : la prééminence du contrat sur la loi. À prendre : le détricotage de la Sécurité sociale au profit d’assurances individuelles souscrites auprès de compagnies privées. À prendre : la réécriture de l’histoire de France au travers de l’enseignement. À prendre : la retraite à 65 ans, et le taux plein à 68 ou 70 ans.

Il y a dix ans, la moindre évocation d’un seul item de ce programme décoiffant aurait déclenché des mouvements de colère massifs. En 2016, rien de tout cela. Calme plat. Ni cortège anti-Devaquet, ni grève de 1995, ni CPE, ni raidissement sur les retraites. Une fois réglée la question de Nicolas Sarkozy qui encombrait son paysage, l’électorat de droite a désigné, sans crainte de déclencher des vents contraires, le candidat qui va le plus loin sur chacun de ces chapitres, et qui résume placidement sa méthode : pas de quartier, pas de compromis, pas de discussions, des ordonnances.

La droite qui a voté ce dimanche n’a donc pas le sentiment que Fillon va engager des réformes, mais qu’il va, « enfin », faire table rase. Il faut avoir l’esprit tranquille pour entrer en campagne avec un tel programme. Être certain qu’en mai les Français ne seront pas contrariés par ce chapelet de sacrifices. Avoir la certitude qu’aucune opposition politique ou syndicale ne se mettra ensuite en travers de la route.  

Ce programme, confirmé par le choix du candidat le moins consensuel, pourrait apparaître comme un défi lancé à la gauche, mais va peut-être encore plus loin. Il traduit un sentiment de toute-puissance. Celui d’une force dont l’adversaire serait hors de combat avant même d’entrer en lice.

D’où vient cette certitude ? Des sondages, naturellement, qui prédisent un second tour de la présidentielle entre la droite et l’extrême droite. Du résultat sans appel de toutes les élections depuis quatre ans. Et de la division qui règne de la gauche alternative à la droite du PS. Si Jean-Luc Mélenchon a été rejoint sur le fil par le parti communiste, Lutte ouvrière enverra comme d’habitude sa représentante, et le NPA aura comme toujours son candidat. Les écologistes ont désigné Yannick Jadot, à la suite d’une primaire. Les radicaux de gauche ne seront pas en reste, tandis que les socialistes hésitent entre un premier ministre, un président, d’anciens ministres, et la liste n’est pas close. Est-il utile d’ajouter la présence d’Emmanuel Macron ? Faites le compte : si la gauche totalise le tiers des électeurs, ils se répartiront en au moins sept cavaliers. Forts d'une telle statistique, les électeurs de la primaire de la droite et du centre n’ont pas eu peur d’effrayer la France en choisissant l’homme de droite le plus à droite.

Mais cette abondance de prétendants, pour une élection présumée perdue d’avance, n’est pas la seule raison de la tranquillité de la droite de combat. En regardant le gouvernement, ainsi que la gauche de la gauche, cette droite a le sentiment d’avoir souscrit, pour des raisons politiques, une assurance pour cinquante ans.

Le pouvoir en place est en état de mort clinique, à tel point que les rumeurs de remaniement qui circulaient hier soir faisaient figure de dernier spasme (François Hollande, disait-on, est furieux des déclarations de Manuel Valls au Journal du dimanche et songerait à le remplacer par Bernard Cazeneuve). Cette faiblesse extraordinaire est la suite d’une chute interminable commencée au lendemain de 2012.

Le président élu par la gauche a fait le pari d’un recentrage, et a progressivement abandonné les marqueurs de son camp pour aller vers ceux de la droite. L’arrivée de Manuel Valls a accéléré le mouvement en consacrant un jeune espoir, Emmanuel Macron. Le résultat du quinquennat Hollande s’étale ainsi sous nos yeux. La gauche du PS a été écartée, Macron est parti, Valls est sur le point de faire sécession, et la droite a répondu hier soir aux chimères du « ni droite ni gauche » en envoyant à l’élection présidentielle le candidat le plus à droite depuis la Libération.

Rassurée par cette débâcle, la droite triomphante pourrait s’inquiéter de la montée en puissance de Jean-Luc Mélenchon. Elle n’y croit pas davantage. Pourquoi ? Parce qu’elle est convaincue que le candidat de la gauche alternative élargira son noyau au point de supplanter Hollande, mais que ce noyau, même majoritaire à gauche, restera un noyau. Elle voit en lui un homme de mobilisation, pas de rassemblement.

Ajoutez à cela la certitude que les syndicats ne pourront pas résister aux futures lois qui entendent les priver de leur primauté au profit de référendums entreprise par entreprise, et vous avez la clé du résultat de ce dimanche. La droite, sûre d’elle-même et dominatrice, est convaincue d’avoir élu non pas son candidat mais le président de la République.

C’est un défi lancé à toute la gauche. Prouver qu’elle existe encore, en dépassant ses haines intestines, et qu’elle n’a pas renoncé à exercer le pouvoir politique. Le parti socialiste ne survivra qu’en oubliant l’illusion électorale d’une « ouverture » qui n’a débouché que sur les surenchères de François Fillon, et dans laquelle il a perdu sa boussole et ses électeurs. Quant à la gauche de Jean-Luc Mélenchon, il faudra bien qu’elle s’ouvre aux électeurs de la gauche modérée sans les rejeter à droite, si elle veut être en mesure de se qualifier au second tour. Puisque Mélenchon a compris qu’il faut un candidat naturel pour exister à l’élection présidentielle, il admettra aussi qu’il faut une coalition pour espérer l’emporter.

Sans ce retour à gauche pour les forces encore au pouvoir, et sans ce dépassement de soi-même pour la gauche de la gauche, l’élection de 2017 a toutes les chances de rappeler celle de 1969, à un détail. À l’époque un centriste, Alain Poher, avait été battu par un gaulliste, Georges Pompidou. Au printemps prochain, un candidat de la droite dure pourrait s’opposer à la patronne de l’extrême droite.

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