Droit de l'environnement : inefficacité et distorsion des moyens
27 Mars 2023 , Rédigé par Thierry BILLET
Alors qu'un manifestant est entre la vie et la mort après la manifestation contre les mégabassines de ce samedi et que l'on compte des dizaines de blessés, LE MONDE se fait l'écho ce matin de la décision de recevabilité du recours de GREENPEACE et de France Nature Environnement par le Comité d'AARHUS contre la composition du Conseil constitutionnel . Le lien entre les deux ? vous demanderez vous sans doute. Il tient en deux chapitres.
1/ la convention d'AARHUS, convention internationale dont la FRANCE est signataire ayant pour objet la défense de l'environnement est devenue, suite à une volte face du Conseil d'Etat (ce qu'on appelle pudiquement un "revirement de jurisprudence") d'application directe en droit français; c'est à dire qu'elle peut être invoquée devant une juridiction française en vue d'assurer la défense de ses demandes. La Convention renforce notamment le droit d'ester en Justice de la part des citoyens et des associations.
Pour mémoire, le Conseil d'Etat avait utilisé l'absence d'application en droit français de la convention pour rejeter mes demandes concernant la réouverture aux camions du Tunnel du MONT BLANC. J'avais raison trop tôt...
Vous vous étonnerez que la FRANCE puisse ne pas appliquer en droit interne une convention internationale qu'elle a signée. C'est à dire qu'elle renie à l'intérieur sa signature internationale. Cette schizophrénie n'est pas isolée.
Pour ne prendre qu'un exemple, la FRANCE a signé la charte des droits sociaux au plan européen. L'organe de cette charte a considéré que le barème MACRON sur les licenciements abusifs était contraire à la charte. On aurait pu penser que cela entraînerait une réaction de la part de la Cour de Cassation pour considérer que le barème était incompatible avec la signature de la FRANCE. Et bien non : La Cour de Cassation a jugé que la charte n'était pas applicable en droit français. Autrement dit, la signature par la FRANCE d'un traité international ne l'engage à rien...
2/ Utilisant ce revirement de jurisprudence, les associations ont saisi le Comité d'AARHUS sur le cas des anciens ministres siégeant ensuite au Conseil constitutionnel alors qu'ils ont participé à des prises de décisions gouvernementales contraires au texte de la Convention d'AARHUS en excluant par exemple des associations de leurs droits à accéder à la Justice administrative. Ainsi de l'obligation d'une durée d'existence d'un an pour ester en Justice de la part d'une association qui est le cas de cette saisine du Comité d'AARHUS. Les associations estiment que cette décision constitue une violation majeure du droit d'accès à la justice environnementale.
Rappelons que gouvernements après gouvernements cet accès au droit est réduit successivement, y compris par l'inénarrable Mme Cécile DUFLOT alors Ministre du Logement qui a sévi sur la question des recours en matière d'urbanisme pour empêcher des "recours abusifs" marginaux au détriment des contentieux sérieux menés par les associations de défense.
Et alors maintenant, pensez-vous, le lien avec la manifestation de Sainte Soline ? Il est direct.
Les manifestants refusent l'installation de ces méga-bassines : ils manifestent.
Mais ils ne devraient pas avoir à le faire puisque la Justice administrative a statué à plusieurs reprises sur l'illégalité de celles-ci. Stéphane FOUCART, dans LE MONDE en date du 26 mars, rappelle les jurisprudences qui auraient dû conduire l'Etat à démanteler ces installations en application de ces décisions de Justice définitives. Or non seulement l'Etat n'a rien fait; mais il envoie des milliers de CRS pour défendre des installations illégales et n'engage aucune action pour remettre en état les sites.
On a donc un Etat qui défend férocement ceux qui ont violé le droit de l'environnement contre les citoyens qui se préoccupent de l'avenir de la planète.
Autrement dit, même quand l'accès au droit n'est pas empêché par les atteintes à la convention d'AARHUS, l'Etat n'applique pas les décisions de Justice qui devraient s'imposer à lui en matière environnementale.
Et pire encore, il traite les militants environnementaux comme des terroristes comme le prouvent les méthodes de flicage des responsables associatifs (balise sous la voiture, interdiction de s'approcher des lieux de manifestation, poursuites pénales dissuasives, etc.) et les moyens déployés pour intimider.
La rupture d'égalité de traitement entre les défenseurs de l'environnement et les délinquants de l'environnement est devenu tellement manifeste qu'elle crée un espace pour les ultra-minoritaires qui pensent que seule la violence permet d'obtenir gain de cause.
C'est à croire que ce gouvernement cherche aujourd'hui l'expression de cette violence pour instiller la peur chez les Française devant des scènes de violence qu'il a lui-même créées en ne faisant pas appliquer les décisions de justice environnementale.
Alors, oui, la saisine du Comité d'AARHUS, anecdotique au regard des blessures inutiles subies par les policiers et les manifestants samedi, n'en est pas moins une réponse non-violente au mépris des responsables politiques à l'égard de la défense de l'environnement. A ce titre, elle conforte l'état de droit dans lequel chaque citoyen doit bénéficier de la possibilité d'accéder à un Juge et d'obtenir que la décision de Justice rendue soit appliquée par les pouvoirs publics concernés.
Exactement l'inverse de la situation actuelle.
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