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thierry billet

Betteraves à sucre

28 Janvier 2023 , Rédigé par Thierry BILLET

Les champs de betteraves à sucre ont été le paysage agricole de mon enfance. A perte de vue, des centaines d'hectares et à l'automne ces marées de camions et de tracteurs les conduisant aux sucreries qui se méfiaient des bombes non exposées de la guerre 14-18 que les charrues font remonter malgré le temps qui passe. Des sucreries pour la plupart fermées dans un élan de concentration ininterrompu. Des fermes devenues gigantesques (en-dessous de 150 hectare, tu as loupé ta vie...) où l'on exploite des terres à vingt ou trente kilomètres de chez soi. Et des agriculteurs devenus des traders pour vendre à terme leur production sur les marchés mondiaux...  Infonature revient sur leurs cris d'orfraie parce qu'on leur interdit de continuer à tuer les abeilles.

Bande de brutes !

Voyez comme ils sont mignons, les chefs à plumes de la FNSEA. Dans un communiqué, les dirigeants du premier syndicat agricole mettent le gouvernement en garde contre les conséquences d’une décision de justice « si elle venait à être appliquée brutalement ».
 
Voici l’histoire : en 2016, la loi « de reconquête de la biodiversité » interdit à partir de septembre 2018 l’usage des insecticides néonicotinoïdes, que tous les scientifiques jugent destructeurs pour les insectes pollinisateurs abeilles en tête, et délétères pour la santé humaine. Un préavis de deux ans, voilà qui n’est pas excessivement « brutal » ! D’autant que cette loi transcrit en droit français un règlement européen qui date… de 2009 ! On a déjà vu des brutes plus féroces…
 
Bref, en 2018, neuf ans après la première décision, les néonicotinoïdes sont proscrits. Et ce, quel que soit leur mode d’utilisation : par pulvérisation sur les plants, ou par enrobage des semences.
 
En neuf ans, les betteraviers industriels du nord de la France, les ministres de l’agriculture successifs, ont-ils organisé la transition ? Prévu et testé des alternatives aux néonicotinoïdes ? Repensé leur modèle économique ? Pas le moins du monde.
 
C’est qu’ils avaient, les gros malins, une botte secrète : le règlement européen, dans sa grande « brutalité », prévoit qu’un Etat-membre peut déroger à cette interdiction dans de circonstances exceptionnelles, en cas de menace avérée sur une culture, et pour une durée maximale de 120 jours par an.
 
Dès 2020 donc, une nouvelle loi ré-autorise pour trois ans l’utilisation des néonicotinoïdes dans les champs de betterave, au motif que cette année-là, le virus de la jaunisse de la betterave, transmis par des pucerons, aurait menacé la récolte. Cette dérogation est reconduite chaque année, alors même que la supposée menace a totalement disparu. Et les nécro-agriculteurs se sont donc à nouveau précipités sur les semences enrobées de néonicotinoïdes, sans se poser la question de la « brutalité » d’un tel comportement pour les insectes ou pour la santé.
 
De l’autre côté de la frontière, leurs collègues belges ont fait pareil, mais il s’est trouvé un apiculteur et des associations naturalistes pour se demander s’il était bien conforme au règlement d’utiliser ces substances à titre préventif (en enrobant les semences), sans qu’une menace avérée soit prouvée. La Cour de justice de l’union européenne (CJUE) vient de leur répondre très clairement : c’est non. L’arrêt de la Cour, long et détaillé, peut être résumé en une phrase : on peut se foutre du monde et se croire au-dessus des lois, mais il y a des limites…
 
Entre-temps les Belges ont renoncé aux dérogations, mais la France s’apprêtait à y recourir à nouveau pour 2023, alors que rien ne le justifie.
 
Pour cette fois, les communiqués larmoyants de la FNSEA et des betteraviers auront été vains : le ministre de l’agriculture – une brute épaisse, assurément- a annoncé que la France renonce finalement aux dérogations. Quatorze ans après le règlement de 2009 !
 
Vains ? Pas tout à fait : ils auront au moins permis aux agro-industriels d’obtenir en contrepartie des garanties sonnantes et trébuchantes…
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