Maria Mota a travaillé à la blanchisserie pendant trois ans au sein du petit hôpital. Une succession de contrats courts, d’abord de trois mois, puis deux d’un an à la suite. « On m’a proposé un dernier contrat de trois mois en avril 2016. La DRH m’a confirmé que je n’étais pas titularisée. Je suis partie parce que je ne voulais pas revenir en arrière au bout de trois ans », explique-t-elle.
Elle quitte donc son emploi pour trouver un autre CDD, dans une entreprise privée cette fois, fait l’expérience d’une courte mission d’intérim, avant de s’inscrire à Pôle emploi en novembre de la même année. Elle y détaille ses périodes d’emploi, comme une élève appliquée et honnête, le tout évidemment sur la plate-forme Internet. Ses droits sont ouverts et elle perçoit une indemnisation à la hauteur des salaires perçus les deux années précédentes.
Mais bientôt Pôle emploi ne l’entend plus ainsi. Au bout de quatre mois, il lui réclame un versement de 5 469,53 euros. Quatre mois sans avoir alerté Maria Mota d’un quelconque problème lors de son inscription avant de se retourner contre elle. Motif : durant une partie de la période indemnisée, elle travaillait dans un hôpital public, qui ne verse aucune cotisation chômage et qui doit, par conséquent, prendre en charge le financement de cette partie des allocations.
Dès lors, Maria Mota doit se battre sur deux tableaux. Contre Pôle emploi pour suspendre l’injonction de rembourser et contre le centre hospitalier pour récupérer son dû. Une bataille éreintante pour cette femme aux revenus modestes, qui travaille désormais auprès de personnes handicapées. « Je suis très triste. J’ai toujours travaillé. Ça me fait mal, ce qui se passe, ce n’est pas juste », confie-t-elle à Mediapart.
Pour Pôle emploi, demander ce trop-perçu est parfaitement légitime. En droit, certainement. En humanité, pas vraiment. L’institution indique que Maria Mota n’a pas utilisé toutes les voies de recours et qu’il n’est pas dans les attributions de l’organisme de se retourner vers un employeur, quel qu’il soit.
Il campe donc sur sa position. Et ce, malgré un jugement du tribunal d’instance d’Annecy du 2 décembre 2019 qui annule la contrainte à payer de Maria Mota. Pôle emploi avait mal formulé son motif de demande de remboursement. Qu’importe : il vient de relancer une procédure devant la justice pour récupérer son dû. « Ce n’est plus du droit, c’est de l’acharnement », tempête l’avocat de Maria Mota, Thierry Billet.
Acharnement également du côté du centre hospitalier de Rumilly, dont la direction a refusé de répondre aux questions de Mediapart. « Il appartient dès lors à la justice de trancher sereinement le débat », fait-elle savoir par retour de mail.
De fait, une procédure est toujours en cours devant le tribunal administratif de Grenoble. Pourtant, un premier jugement du tribunal administratif d’Annecy, datant de mai 2019, indiquait que « la décision du 13 avril 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Rumilly a refusé à Mme Mota le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi est annulée ».
En outre, les juges écrivent : « Il y a lieu d’enjoindre au directeur du centre hospitalier de Rumilly de réexaminer la situation de Mme Mota dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. » Une décision laissée lettre morte puisque la demande de l’ex-blanchisseuse n’a toujours pas trouvé d’écho au sein de l’établissement.
Car le centre hospitalier ne désarme pas face à son ex-salariée. Il continue de prétendre que son refus d’accepter un nouveau CDD de trois mois, après trois ans de collaboration dont deux contrats consécutifs d’un an, est assimilable à une démission. Et donc n’ouvre pas de droits à des allocations.
L’obstination de la direction de l’établissement de santé fait amèrement sourire l’avocat de Maria Mota : « Ces deux procès devant le tribunal vont coûter plus cher au centre hospitalier en frais d’avocats que la simple indemnisation de Mme Mota. »
« Mme Mota n’a jamais triché, elle a toujours agi de bonne foi », défend Thierry Billet. Mais ni Pôle emploi ni le centre hospitalier de Rumilly ne veulent l’entendre. Et cette comédie désespérante du pot de terre contre deux pots de fer continue de se jouer.