Retraite et désengagement au travail
14 Février 2023 , Rédigé par Thierry BILLET
En voulant repousser l'âge légal de départ à la retraite comme le marqueur de son dernier quinquennat, MACRON accélère une révision du rapport au travail des jeunes générations. Reporter l'âge légal c'est renforcer l'idée qu'il n'y aura tout simplement pas de retraite pour les trentenaires d'aujourd'hui et a fortiori pour les plus jeunes. Dès lors, puisque cet horizon s'éloigne à des dates auxquelles le nouveau régime climatique les frappera de plein fouet, le sens commun impose de prendre dès maintenant tout le temps libre qu'il est possible de prendre. Pourquoi attendre 64 ans et plus pour jouir de moments qu'on peut essayer de créer aujourd'hui.
Report de l'âge légal plus tard = désinvestissement au travail dès aujourd'hui.
Ne plus investir dans un travail pendant 42 ans pour jouir ensuite d'une retraite "bien méritée"; mais se consacrer pleinement à tout ce qui est accessible maintenant. Ce changement de paradigme est déjà à l'oeuvre. Discutez avec les trentenaires de leur investissement professionnel et vous verrez qu'ils ne se fixent aucune perspective au long cours.
Ils savent qu'ils ne finiront pas leur carrière professionnelle dans la même entreprise, qu'ils sont susceptibles d'un licenciement à tout moment (et encore plus puisque les coûts d'un licenciement abusif ont été réduits par le même MACRON et son barème), et ils savent parfaitement jouer de la rupture conventionnelle quand ils en ont envie ou besoin.
Le sens du travail et la qualité des conditions de travail expliquaient autrefois quand ils étaient mauvais, l'appétence des travailleurs pour une réduction de l'âge de la retraite. Et ils serraient les dents jusque là. Avec l'éloignement de cette perspective, jouir maintenant du temps libre est l'alpha et l'omega. Les employeurs se plaignent de ces salariés désinvestis, de ces intérimaires qui viennent un jour mais pas le lendemain, de ces jongleurs de CDD qui refusent le CDI, etc. Mais le salariat s'adapte aux nouvelles règles sociales qu'impose le macronisme.
En facilitant les licenciements et en reculant l'âge légal du départ à la retraite, MACRON favorise le "zapping" salarial au détriment d'une relation de travail stable et durable. Bien entendu, DUSSOPT ne dit rien de cette conséquence dolosive pour le modèle social. Mais les faits sont têtus.
La qualité de vie au travail est en cause qu'on la prenne du côté de la pénibilité de certaines professions, de la charge mentale dans d'autres, ou de l'accélération et de l'intensification liées à la communication numérique. Auparavant, quand on souffrait au travail, on allait voir le syndicat et il y donnait une dimension collective qui vous rassurait et vous donnait le sentiment d'être quelqu'un d'important aux yeux des autres. Aujourd'hui on va chez le psy et quand on a des sous, on fait de la méditation avec un coach. L'individualisation des relations de travail auxquelles MACRON a donné le coup d'accélérateur par son mépris des organisations syndicales (cf. la seule grève depuis longtemps à laquelle la CFDT est partie prenante de manière active) conduit à une démission collective du travail. Je l'abordais ici en octobre 2022. Le grand remplacement est une fadaise, la grande démission, elle, est à l'oeuvre.
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