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thierry billet

Alain LIPIETZ, théorie et pratique

8 Mai 2014 , Rédigé par Thierry BILLET

Les VERTS de VILLEJUIF ont donc choisi de faire alliance avec deux listes de droite pour battre une maire communiste. Leur leader Alain LIPIETZ et ses colistiers sont menacés d'exclusion comme nous en avons fait l'objet de la part de la même clique directoriale des VERTS dont nous fûmes victimes. Alain théorise sur cette question de manière qui me semble intéressante pour tous les écologistes. Et qui s'applique à ANNECY comme ailleurs...
Réflexions finales

Une nouvelle aventure commence, mais concluons provisoirement par un peu de théorisation.

Je l’ai dit : nous avons mis six mois à nous accoutumer à ce que nous allions faire, une union citoyenne par dessus le clavage droite/gauche, tant sont prégnantes, chez les politiques que nous sommes, les habitudes hérités de la bipolarisation propre à la Ve République.

J’ai donné plus haut les liens vers les raisons strictement villejuifoises de notre choix. En fait, la population voulait ce changement, et il n’est pas sûr que nos propres électeurs nous auraient suivi si nous nous étions maintenus (au risque de faire gagner la liste Cordillot). Mais notre stratégie a-t-elle une portée au delà de Villejuif ?

Je serais d’abord tenté de répondre Non, tant la liste « investie UMP » que nous avions en face de nous me paraît exceptionnelle. Je le détaille, en réponse aux arguments qui ont été avancé sur les listes internes de EELV pour justifier notre suspension : « l’UMP est ultra-libérale, or le libéralisme est incompatible avec l’écologie. » J’y reviens plus loin, mais, comme je l’explique ici, si, à Villejuif, nous avons pu passer contrat avec une liste estampillée UMP, c’est qu’elle ne présente guère les aspects de loup-garou incarnés par les Sarkozy-Copé. D’abord, elle ne présente pas explicitement ce caractère « ultra-libéral » ni même spécifiquement plus libéral que la liste Cordillot, bras politique des promoteurs à travers son aménageur attitré, la Sadev.

Mais, Nonna Meyer le souligne : le clivage droite/gauche qui s’approfondit en France (comme aux USA) n’oppose pas le caractère plus ou moins libéral ou dirigiste ni même social selon les partis de gouvernement, mais le clivage entre ethnocentristes (racistes) et universalistes. Or - c’est frappant sur les photos – la « couleur » est apportée dans ce conseil municipal par notre Union citoyenne, à commencer par la liste arrivée en tête (avec investiture UMP), et les élus de la liste Cordillot, blancs comme des cachets d’aspirine, ont sérieusement besoin de se ressourcer aux Antilles. Universalistes, certes, mais alors bien assimilés…

Pourquoi alors ces miliant-e-s hors-normes qu’on aurait été bien contents d’accueillir à EELV sont-ils sur une liste estampillée UMP ? Sans soute la famille, la religion, ou l’intelligence et la généreuse bonhommie de la tête de liste Franck le Bohellec, sorte de gaulliste social à l’ancienne ? Ou tout simplement que le gaullisme populaire continue à exister et Sarkozy nous l’avait fait oublier ?

C’est ouvrir la réflexion au delà de Villejuif. Nous avons fait cette alliance avec pour unique boussole les valeurs fondamentales de EELV : démocratie, solidarité, responsabilité écologique, et elle nous a indiqué des points qui ne devraient pas s’y trouver, selon la carte traditionnelle orientée « droite-gauche ». La liste « de gauche » occupait le pole anti-démocratique, solidarité réduite au clientélisme, opposition résolue à l’écologie environnementale. Sans même évoquer les questions d’éthique, si nous nous étions alliés avec ceux qui avaient reçu des Cosse-Placé le logo EELV, comment aurions-nous pu sans rougir participer par exemple aux réunions sur le climat de la conférence de Paris ?

Le fond de la question est que les Cosse –Placé conçoivent les alliances politiques selon le paradigme traditionnel du progrès, défini par le modèle « fordiste » de 1945, où l’on est plus à gauche quand on est plus dirigiste et moins libéral, que l’on crée plus d’emplois en produisant plus, que l’on est plus social en entassant du Hlm en barre dans ces « terrains libres » que sont les espaces verts et agricoles, sauf qu’on est plus écologiste en repeignant en vert ce modèle caduque qui conduit l’humanité et la planète à la catastrophe. Sur leur carte, il y a de droite à gauche le FN, l’UMP, l’UDI-Modem, le PRG et le MRC, le PS, le FdG, le NPA, et quelque part entre PS et FdG, la case EELV.

Et bien non. Cette carte, les gens n’y croient plus et sont littéralement « déboussolés ». Déjà parce que les points qu’ils ont sous le yeux ne correspondent pas à la carte : la « vielle gauche » qui devait être au moins démocratique (depuis le XVIIIe siècle) et, de plus, sociale (depuis le XIXe siècle) n’est plus ni l’une ni l’autre, ni à Villejuif, ni à l’échelle nationale. Et parce que les gens ont conscience qu’il manque une dimension à la carte, celui de la qualité de la vie en accord avec les contraintes écologiques, qu’ils appellent « bien-être », « responsabilité » et « tranquillité ».

Alors, quand on vient leur dire « votez quand même pour cette gauche, parce que c’est écrit dessus qu’elle est de gauche », quelque chose se casse. Il revient aux écologistes sincères la dure mission de reconstruire, au delà des ruines, un nouveau paradigme de « bien-vivre » fondé sur la démocratie participative, l’autonomie, la solidarité, et la responsabilité écologique.

Bon ça, c’est la stratégie. Mais sur le terrain, les écologistes, qui ne sont pas majoritaires, doivent faire des choix tactiques. Je suis de ceux qui dès 1992 avons insisté que « en général » les alliances seront plutôt avec la vieille gauche. Et cela pour des raisons liées en effet à la contradiction entre marché et écologie. Mais cela ne veut pas dire que le dirigisme soit spontanément écologiste, au contraire : les plus grande catastrophe écologiques du XXe siècle sont venues de folies planistes : Tchernobyl, Mer d’Aral…

Quand le planisme est au service du productivisme (et c’était le cas à Villejuif), il devient le pire ennemi de l’écologie. Notre Mer d’Aral, notre Plateau de Saclay, s’appellent : démantèlement du parc des Hautes Bruyères, urbanisation du Terrain des Maraichers (notre dernière terre agricole), du terrain Mollicone (dernier espace vert en centre ville)…

C’est pourquoi on ne peut faire d’alliance ni à droite, ni à gauche , sans un accord programmatique défini par notre boussole, et non par une carte périmée. Ce que nous appelions autrefois « autonomie contractuelle ».

D’ailleurs, pour ceux qui préfèrent la tactique à la stratégie , il y a encore une raison bien simple. A partir du moment où tous les partis de gouvernement ont la même politique économique (Fillon, Ayrault , Valls), pour négocier le meilleur accord, il faut faire jouer la concurrence. Si on dit à l’avance que, même sans aucune négociation, on soutiendra la liste où il y a le PS, que peut-on espérer obtenir de ce parti ? La seule façon d’être un jour en mesure de peser sur les orientation des socialistes (ou du PCF là où il domine encore), c’est de leur montrer que, s’ils n’ont rien à nous offrir, on ira chercher ailleurs…

Dans ce cas, l’initiative de EELV-Villejuif a d’un coup rehaussé les standards de toute négociation ultérieure… même avec le PS.

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