C’est un premier pas symbolique pour la justice climatique en France. Pour l’heure, l’Etat est condamné à payer 1 euro symbolique de préjudice moral pour chaque association requérante, soit 4 euros en tout. Reste à savoir si la justice enjoindra ou non celui-ci d’agir concrètement, c’est-à-dire de «prendre toute mesure utile» pour faire cesser à l’avenir l’aggravation du préjudice écologique constaté. Réponse dans un peu plus de deux mois, à l’issue du supplément d’instruction ordonné par le juge mercredi.
En attendant l’issue de cette affaire, donc, qui est «l’Etat» ? Qui se sent concerné ? Qui se sent responsable ? Le gouvernement en place ? Le précédent ? A ce sujet, il est pour le moins étonnant de constater que, d’une certaine manière, Nicolas Hulot s’auto-accuse, puisqu’il figure, via sa fondation, parmi les plaignants de l’Affaire du siècle, alors qu’il était ministre de la Transition écologique et solidaire entre mi-2017 et mi-2018, pendant que la France dépassait son budget carbone… Ou alors l’Etat, ce serait Emmanuel Macron ? Pas vraiment. Car le pouvoir exécutif n’est que l’un des éléments de l’Etat. L’Etat, c’est un appareil administratif (le gouvernement et son administration), un territoire et une population, donc chacun d’entre nous. Certes, il est engagé par les décisions ou les non-décisions que prend le gouvernement, mais quand le juge administratif le condamne, ce n’est pas le gouvernement qui est condamné. Les 4 euros de préjudice moral accordés aux associations, ce n’est pas un ministre ou un gouvernement qui va les verser, mais le contribuable.
Et si jamais le juge demandait d’agir, qui devrait agir concrètement ? Dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif de Paris, l’Etat a écrit ceci : «Par ailleurs, l’Etat n’est pas en capacité d’empêcher l’intégralité des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire français, eu égard notamment à la circonstance qu’une part substantielle de cette pollution procède de la réalisation des activités industrielles et agricoles mais également de choix et de décisions individuels sur lesquels il n’est pas toujours possible d’influer.» En clair, l’Etat conteste être le seul responsable de l’envolée des émissions de GES. Il est en réalité ici question de la responsabilité de toute la population française, dont le gouvernement n’est que le représentant. L’Affaire du siècle interroge donc sur notre responsabilité collective dans le changement climatique. Avec le risque suivant : cela peut aussi vouloir dire, en creux, que personne n’est responsable. Voilà un réel débat politique, au sens le plus noble