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thierry billet

La CRIIRAD nous informe sur le risque nucléaire en UKRAINE

4 Mars 2022 , Rédigé par Thierry BILLET

J'ai eu l'honneur d'assister la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité créée en 1986 après l'explosion de la centrale nucléaire de TCHERNOBYL et dont je suis adhérent. Depuis cette date, la CRIIRAD nous informe : voici le point sur la situation en UKRAINE. 

Situation radiologique en Ukraine
 
 
Ce qui se passe en Ukraine, au-delà des horreurs hélas habituelles de la guerre, est sans précédent et confronte pour la première fois des installations nucléaires à haut risque à des opérations militaires. Les attaques ont d’abord concerné le site nucléaire de Tchernobyl (24/02), des sites d’entreposages de déchets radioactifs ont ensuite été affectés, et la centrale nucléaire de Zaporijjia est passée sous contrôle russe dans la nuit du 3 au 4 mars. D’autres sites pourraient être concernés, à commencer par les centrales de Rovno (4 réacteurs : 2 de 380 MWe, 2 de 950 MWe), Khmelnitski (2 réacteurs de 950 MWe) et Konstantinovka ou Sud-Ukraine (3 réacteurs de 950 MWe).
 
 
A Zaporijjia, qui constitue avec 6 réacteurs nucléaires de 950 MWe la plus puissante centrale nucléaire d’Europe, le pire a été évité : le bâtiment qui a été frappé par un projectile (probablement tiré par un char) serait situé à environ 500 mètres du réacteur nucléaire le plus proche. Il s’agit d’un bâtiment non nucléaire, dédié à la formation du personnel. L’incendie est resté localisé et a été éteint par les pompiers locaux affectés à la centrale.
 
Sur la base des informations communiquées par l’organisme d’inspection ukrainien de la sûreté nucléaire (SNIUR), l’AIEA assurerait ce matin que les systèmes de surveillance des niveaux de radiations sont pleinement fonctionnels. Le suivi effectué par le service balises du laboratoire de la CRIIRAD montre cependant que les résultats ne sont plus disponibles sur les sites officiels. Le constat est le même pour le site nucléaire de Tchernobyl. Dès lors, puisque l’AIEA indique qu’elle dispose de ces informations, il est de sa responsabilité d’assurer leur publication et de pallier les défauts de transmission des équipements ukrainiens. Il importe de pouvoir informer au plus vite les populations d’une éventuelle augmentation de la radioactivité afin qu’ils prennent toutes les mesures de protection possibles.
 
Dans le communiqué du 3 mars, la CRIIRAD commentait les déclarations de l’AIEA sur les principales fonctions de sûreté qui doivent être absolument préservées, en précisant qu’il s’agissait malheureusement de vœux pieux. L’actualité nous a donné raison. Dans ses dernières déclarations, l’AIEA constate que la première de ces exigences, « l'intégrité physique de la centrale a été compromise avec ce qui s'est passé la nuit dernière », ajoutant : « Nous avons bien sûr de la chance qu'il n'y ait pas eu d'émission de radiations et que l'intégrité des réacteurs en eux-mêmes n'ait pas été compromise, mais oui, l’intégrité de la centrale au sens large » a bien été affectée.
 
L’Ukraine dépend très fortement du nucléaire qui lui fournit environ 50 % de son électricité (53% en 2018 : 79,5 TWe sur 150 TWe). Elle disposait de 15 réacteurs nucléaires, pour une puissance totale de 13 107 MWe (et 2 réacteurs de 1035 MWe sont en construction sur le site de la centrale de Khmelnitsk). En situation normale, les 6 réacteurs de la seule centrale de Zaporijjia fournissent environ 20% de la consommation de l’Ukraine. Actuellement, seul le réacteur n°4 est encore en fonctionnement, à puissance réduite (environ 60%). Au-delà des énormes risques radiologiques, la prise de contrôle des réacteurs nucléaires est évidemment un élément stratégique du point de vue énergétique ; des systèmes décentralisés reposant sur des énergies renouvelables limitent évidemment strictement les niveaux de risques et la vulnérabilité.
 
La situation est évidemment très préoccupante mais l’heure n’est pas à la panique. A ce stade, d’après les informations disponibles, aucun dysfonctionnement grave n’a été identifié sur les installations nucléaires ukrainiennes.
 
La CRIIRAD va poursuivre sa veille tout au long de ce week-end. Le service d’astreinte des balises maintiendra une vigilance renforcée sur tous les réseaux de mesure européens de la radioactivité et sur les conditions météorologiques générales, de façon à informer dans les meilleurs délais et anticiper tout risque pour la France. Toutes les balises de son propre réseau de contrôle sont par ailleurs opérationnelles . Si besoin, le laboratoire publiera de nouvelles informations sur le site de son réseau de balises :http://balises.criirad.org/
 
PS.
La CRIIRAD renvoie les personnes qui se posent des questions sur les comprimés d’iode stable (leur utilité, leurs limites, etc.) au dossier en ligne sur son site Internet. Par ailleurs, plusieurs témoignages font état de l’impossibilité de se procurer des comprimés d’iode dans des pharmacies françaises. La CRIIRAD est intervenue à de nombreuses reprises pour obtenir des garanties mais la position des autorités a fluctué dans le temps. Elle rappelle qu’elle recommande depuis longtemps à tous les foyers de disposer d’un stock personnel, en particulier lorsque des enfants sont présents et pour les femmes enceintes. Elle reviendra sur cette question ultérieurement.
 
Rédaction : Corinne Castanier
 
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