Le paradoxe du vote F-HAINE
5 Décembre 2023 , Rédigé par Thierry BILLET
" La part de personnes interrogées qui considèrent que les immigrés sont une source d'enrichissement culturel est passée de 44% en 1992 à 76% en 2022; la part de celles qui soutiennent le droit de vote des étrangers est passée de 34% en 1984 à 58% en 2022"... nous apprend Anne CHEMIN, journaliste au MONDE le 20 octobre dernier, suivant l'indice longitudinal de tolérance construit par le chercheur Vincent TIBERIJ à partir de l'enquête annuelle de la commission consultative des droits de l'homme (CNCDH).
Mais alors comment expliquer que se croisent la courbe du recul des préjugés raciaux et celle de la montée du vote F-HAINE ? Alors que des citoyens plus tolérants devraient rejeter la xénophobie du parti d'extrême-droite, les sondages lui annoncent un carton aux prochaines européennes.
Les chercheurs l'expliquent de deux manières : le recul de la question sociale (1) et le vote différentiel des seniors par rapport aux jeunes (2).
1/ La question sociale était dominante jusqu'aux années 1980 : "à la présidentielle de 1988, la probabilité de voter à gauche atteignait des sommets (96%) chez les citoyens qui exprimaient des convictions sociales alors qu'elle était négligeable (7%) chez les partisans du libéralisme économique" explique V. TIBERIJ. Aucune loi sur l'immigration n'a été votée entre 1946 et 1980. Depuis, il y en a eu une tous les 18 mois et nous pataugeons encore dedans aujourd'hui avec DARMANIN qui veut laisser son nom à une nouvelle loi.
Le F-HAINE, par sa radicalité, a réussi à faire de la question migratoire et plus globalement des questions culturelles un sujet déterminant du vote. Plus généralement, le mariage pour tous ou l'homosexualité et toutes les questions sociétales sont devenues centrales dans le choix électoral. On le voit aux ETATS UNIS aujourd'hui où le risque de l'interdiction de l'IVG permet aux démocrates de mobiliser l'électorat plus que les résultats économiques de BIDEN. Dès lors, la xénophobie qui existait bien plus dans les années 1960 qu'aujourd'hui ( Rappelons nous à l'époque la honte d'un mariage d'un blanc avec une noire ou l'inverse) mais qui n'avait aucun débouché politique est aujourd'hui une question politique au détriment des questions sociales de répartition des revenus ou de croissance des inégalités.
2/ "En 2022, le vote "systématique" est au plus haut chez les personnes âgées de 70 à 79 ans (54%), au plus bas chez les jeunes de 25 ans (17%) et cet écart ne cesse de se creuser." note Anne CHEMIN. Ce différentiel explique que les plus de 65 ans pèsent 1,3 à 1,5 fois leur poids et les moins de 35 ans ont 0,5 et 0,8 fois. Or ce sont ces générations votantes qui sont les plus favorables aux thèses de l'extrême-droite 59% des plus de 60 ans ne se "sentent pas chez eux" contre 34% des moins de 35 ans pour ne donner que cet exemple. Comme ils votent systématiquement alors que les plus jeunes cèdent au dilettantisme, les séniors font pencher la balance du côté de l'extrême-droite; déplaçant le curseur politique vers la droite.
Un dernier phénomène mérite l'attention. Il est en effet admis que les politiciens ne font que reprendre les préoccupations des français pour les porter au débat politique. Or, l'article illustre les recherches en sciences politiques qui établissent que "la polarisation de l'opinion était le fruit des stratégies partisanes - et non l'inverse". Autrement dit, quand CIOTTI se fait le rabatteur du F-HAINE, ce n'est pas parce que ses électeurs lui demandent de le faire, mais parce qu'il cherche pour des raisons électorales à polariser le débat politique sur une thématique qui lui est chère car il pense qu'elle lui permettra de gagner les élections. La tonalité des discours politiques selon qu'ils prônent la polarisation raciste ou l'union nationale détermine le vote. Réduits à des peaux de chagrin militantes, sans renouvellement, les partis politiques ne cherchent plus que le clash et la rupture.
En naît un dernier paradoxe où le F-HAINE choisit maintenant de se taire, la polarisation étant désormais reprise par MÉLENCHON ou ZEMOUR pour tenter de mobiliser des électorats déboussolés. Tout ceci conduit au pire, celui d'une chronique annoncée de la banalisation du F-HAINE et de la victoire de LE PEN en 2027. Tous les pyromanes d'aujourd'hui portent la responsabilité d'une France artificiellement fracturée alors qu'elle aspire à la fraternité.
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