Annecy, enjeu national pour EELV.
Proche d’Hulot, pressenti pour codiriger «Europe Ecologie-les Verts», Jean-Paul Besset s’en va.
La lune de miel a été de courte durée. Trois semaines après le mariage à Lyon d’Europe Ecologie et des Verts, Jean-Paul Besset, qui devait former un couple avec Cécile Duflot à la tête du rassemblement, claque la porte. Et bruyamment.
Dans une lettre de rupture adressée lundi soir à l’ensemble des responsables d’Europe Ecologie-les Verts (EELV) ce proche de Nicolas Hulot décrit un «climat délétère de guerre froide». Affirme avoir «décidé de renoncer à toute responsabilité» au sein du mouvement. Explique que c’est «une décision mûrement réfléchie […] qui n’est le fruit ni d’un coup de tête ni d’un coup de blues». «Elle révèle l’impuissance que je ressens de plus en plus douloureusement face à une situation de conflit interne qui m’apparaît, en l’état, dominante, indépassable, broyeuse d’énergie et d’espérance», écrit celui qui était pressenti pour présider le parlement du nouveau parti. Et ce à quatre jours de la première réunion de ce «Conseil fédéral», samedi à Paris.
Après le refus des Verts de voir l’eurodéputé Yannick Jadot (ex-Greenpeace) constituer un binôme avec Cécile Duflot, comme Daniel Cohn-Bendit l’avait proposé à Nantes fin août, Besset s’est retrouvé dans le rôle de garant de l’équilibre et de l’ouverture politique du mouvement. La plupart des ténors louant alors la «sagesse constructive» de cet ex-journaliste, et sa capacité à désamorcer les conflits. Difficile, il est vrai, d’articuler le nouveau parti et son réseau de sympathisants, organisés en «coopérative». Hier, les mêmes constataient que Besset n’avait pas le cuir assez dur. «Il a craqué. La politique, ce n’est pas un club d’amis», notait un dirigeant Vert. «Mieux vaut que ça pète maintenant que dans six mois lors du congrès», ajoutait un autre.
«Casus Belli». Dans sa lettre, tous en prennent pour leur grade. Besset dénonce «un parti où nombre de Verts verrouillent une reproduction à l’identique, avec les mêmes têtes, les mêmes statuts, les mêmes pratiques, les mêmes courants, la même communication pseudo-radicale, la même orientation servile vis-à-vis de la gauche». Et «de l’autre côté, la coopérative que certains veulent instrumentaliser en machine de guerre contre le parti».
A la veille des assises de Lyon, Besset se montrait pourtant positif, parlant dans Libération d’un «moment de force, d’incandescence et de fusion. Il y a encore des pesanteurs culturelles lourdes. On va voir si on est capables de passer de la cohabitation raisonnable au mariage d’amour». Visiblement c’est tout vu : «La fusion-dépassement n’a pas eu lieu», conclut Besset. A la place, c’est «règlements de comptes, délices du déchirement, obsessions purificatrices et procès en sorcellerie».
C’est le cas de l’avocat Thierry Billet, fondateur d’EE à Annecy, militant anti-incinérateur, mais élu Nouveau Centre de la majorité municipale, qui a achevé de dégoûter son ami Besset. «Une partie des Verts de Haute-Savoie, ex-soutiens de Duflot, ne veulent pas qu’il adhère à EELV. Ils ne lui reprochent rien de ce qu’il a fait, juste d’être avec le Nouveau Centre. Certes, Billet ce n’est pas "à gauche toute", mais on a aussi des écolos potes de Mélenchon. Pour nous, c’est un casus belli», racontait hier Cohn-Bendit. La propension des cadres locaux des ex-Verts à verrouiller les échelons intermédiaires en est un autre. «Ce n’est pas toujours par mauvaise intention. Il y a un espace : ils l’occupent», dit Cohn-Bendit. Qui alerte aussi sur l’«ultrabasisme» de certaines recrues «qui empêcheraient de nommer le moindre élu à un poste de dirigeant».
Ni Duflot, ni Cohn-Bendit n’ont été pris de court par l’annonce de Besset. Ce dernier les avait informés il y a quinze jours. «Duflot est très emmerdée. Ce n’est pas une rivalité entre elle et Besset qui est à l’origine de sa décision, mais la volonté de provoquer un sursaut collectif. Dany, lui, est ravi parce que ça fait bouger les choses. Sitôt les lampions éteints à Lyon, les couteaux ont été tirés entre les ex-courants», expliquait hier un proche de Besset.
«Abrasif». Hier, Cohn-Bendit s’est félicité que ce dernier «tape dans la fourmilière et nous place devant nos responsabilités. Ce n’est pas parce qu’on décrète la fusion qu’elle se fait». Pour le cofondateur d’EELV, «maintenant c’est quitte ou double. Où on trouve une culture de la représentation commune. Ou…». «C’est vrai que c’est difficile de construire le parti réseau. Il ne suffit pas de passer sous l’arc-en-ciel pour que tout soit transformé. Jean-Paul a espéré ça», notait hier Duflot. «Ça peut être abrasif dans le petit cercle de dirigeants, mais dans les régions ça se passe très bien», assure-t-elle.
A nouveau célibataire, l’ex-Verte cherche un partenaire : «Besset ne part pas, puisqu’il va présider la Fondation [de l’écologie politique, ndlr]. Il va falloir qu’on trouve un nouveau président à l’image du collectif.» Cohn-Bendit ayant décliné, c’est Philippe Meirieu, vice-président EE de la région Rhône-Alpes qui est pressenti. Il aura besoin de tous ses talents de pédagogue.