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thierry billet

EELV, l'unité forcée, selon Alain LIPIETZ

8 Juin 2011 , Rédigé par Thierry BILLET

La presse n'a parlé que de la petite phrase de Nicolas HULOT sur BORLOO.

Alain LIPIETZ sur son blog raconte le Congrès de LA ROCHELLE de l'intérieur.

 

"Samedi, second tour du Congrès de Europe Ecologie - Les Verts à La Rochelle. Théoriquement, il n’y a plus aucun suspens : la motion « Maintenant » regroupant la quasi-totalité des cadres du mouvement a obtenu la semaine dernière 50% + 17 voix.

Cela dit : les délégués élus en région gardent leur liberté de vote (et comme on va le voir ils vont s’en servir). Par ailleurs, ce qui est un très bon résultat pour un premier tour serait très mauvais pour un second tour : une majorité aussi rikiki ne se serait jamais vue chez les Verts. Toute la question est donc : fusion ou pas fusion ?

Dés le vendredi après-midi, les tractations commencent, tandis que les délégués de motion sont réunis dans des salles différentes de l’immense bâtiment qui fut le marché aux poissons de La Rochelle, L’Encan. Les représentants de la motion "Construire" (lancée par Dany Cohn-Bendit et José Bové, qui ne sont pas là) ont été mis au piquet, à 300 mètres des autres et de l’entrée, dans une salle totalement noire éclairée par des projecteurs.

Très vite, la motion « Envie » fait savoir qu’elle participera à une fusion de toutes les motions, sinon on en reste là. Ce qui est décisif : la motion « Maintenant » est obligée d’accepter la fusion. Ce qui signifie d’une part qu’il va être possible d’obtenir "un bon texte", et que d’autre part les 15 postes du bureau exécutif seront répartis à la proportionnelle. Ce qui donne : 8 Maintenant, 4 Construire et 3 Envie.

Les rédacteurs vont palabrer toute la nuit et ramener un texte en effet plutot satisfaisant, notamment sur l’accélération de la mise en place de la coopérative et sur la plus grande facilité de vote, avec « expérimentation » du vote par Internet. Ce détail peut sembler ridicule mais, comme nous le font remarquer les nouveaux adhérents venus du PS, les structures de vote en assemblée générale régionale issues des Verts-années-90 leur apparaissent surréalistes. Soit on vote physiquement, et alors on fait comme au parti socialiste où l’on vote localement, soit (ce qui est plus moderne) on vote électroniquement après des débats publics organisés localement ou sur le Web. Et il est curieux que les écologistes, qui rabâchent l’exigence de minimiser le bilan carbone, en soient encore à déplacer leurs troupes à travers tout le territoire pour déposer un bulletin dans l’urne.

Le plus difficile est évidemment la question de la composition du Bureau exécutif.

Dans les nouveaux règlements archi-compliqués d’Europe Ecologie Les Verts, chaque motion produit à l’avance la liste ordonnée de ses candidats au bureau exécutif !! (Chez les Verts il y avait beaucoup plus de souplesse). Pour « Construire », Dany est tête de liste. Il a annoncé qu’il renonçait à participer au bureau exécutif, alors qu’avec un meilleur score, il demandait : les élections, pour tenter d’arracher un groupe de 60 députés. Les suivants sont : Marie Bové, pour qui nous demandons la responsabilité des liaisons entre le parti et la coopérative, Jean Desessard, pour qui nous demandons la trésorerie (il est de plus en plus acquis, même à droite, que l’opposition assure la présidence de la commission des finances des assemblées et il paraît légitime, pour couper court à toutes les suspicions, qu’il en soit de même au bureau exécutif), puis Laurence Vichnievsky et Nadir Saïfi.

Dés la première nuit de négociation, « Maintenant » pose son veto contre Marie Bové, et déclare se réserver "les postes régaliens". Nous ignorons ce que signifie « régalien » dans un parti politique, mais manifestement cela doit vouloir dire qu’ils se considèrent comme : eux, l’Etat, et nous, les administrés. Nous leur rétorquons que de toute façon les 3 premiers de notre liste seraient au bureau exécutif s’il n’y avait pas de fusion, et la participation de Marie Bové n’est pas négociable.

Retour de volée le lendemain midi : cette fois, « Maintenant » met un veto sur la participation du 4ème de liste, Nadir Saïfi. Prétexte : il a participé au Grenelle de l’environnement, il représentait Écologie sans frontière, association qu’ils considèrent proche de Borloo.

Cette fois, l’assemblée des mandataires de « Construire » était abasourdie. Le prétexte de « Maintenant » est ridicule - tout l’effort de Dany et José Bové à Europe Ecologie a porté justement vers un mouvement écologiste fort et allié à la gauche, rassemblant tous les militants de sensibilité écologiste, du centre à l’extrême gauche. Marie Bové comme Nadir Saïfi, y compris dans leur nom de famille (Nadir est le frère de Tokia Saïfi, qui fut secrétaire d’état au développement durable de Chirac sous Raffarin), incarnent cet arc d’origines. Et surtout, Nadir serait probablement le seul représentant de la diversité des origines du peuple français au bureau exécutif d’un parti qui fait proclamation de soutenir et d’exprimer cette diversité !

Personnellement, et je ne suis pas le seul, je pense que dans ces conditions la fusion n’est plus possible. Laurence Vichnievsky (au nom pas non plus très céfran) propose : « Je me retire et comme ça tu fais partie des 3 premiers dont la présence est obligatoire. » C’est alors que Nadir demande la parole : « Je suis écoeuré par cet ostracisme, mais votre soutien m’a réchauffé le coeur et pour moi, rien que cela, c’est un bon congrès. Le plus important aujourd’hui c’est que les écologistes apparaissent unis face aux échéances de 2012. Il faut la fusion, donc j’accepte de me retirer. » On décide, dans l’intérêt général de l’écologie, d’accepter le diktat de « Maintenant » et c’est le suivant, Nicolas Dubourg, qui sera notre 4ème représentant.

Nous apprenons en sortant que Elvan Uca, 3e de liste de « Envie » et d’origine turque, a lui aussi été récusé… au nom de la parité hommes/femmes.

Dans l’immense hall de l’Encan, tout en longueur, le débat, pas si formel que ça on va le voir, peut commencer devant les quelque 500 délégués. La moitié fidèle de « Maintenant » s’est massée devant, les autres à l’arrière. Pascal Durand, numéro 2 de la liste « Maintenant » et directeur de campagne de Nicolas Hulot, vient présenter la motion unifiée et enflamme toute la salle. Commence ensuite la litanie des interventions des motions. Dés le début, Marie Bové puis Françoise Lamartine (pour « Envie ») se font siffler, pour avoir simplement affirmé qu’en acceptant cette fusion elles ne « remettaient pas les clés du mouvement à une reine. » Inquiétant. Pour la motion « Maintenant », seule Dominique Voynet parvient à transmettre un souffle certain.

J’interviens alors pour dire : "ma joie, ma peine et mon ambition".

Ma joie : jamais dans l’histoire des Verts une motion n’avait rassemblé la totalité des courants. C’est le résultat de notre maturité, mais surtout de l’urgence (la crise du libéral productivisme, la dernière "fenêtre de tir" sur le changement climatique, Fukushima et la nécessité de sortir vite du nucléaire).

Ma tristesse, ou plutôt ma honte : l’oukase posé contre Nadir Saïfi va faire disparaître le seul représentant de la diversité de notre peuple au bureau exécutif, sous le prétexte de ses "origines droitières".

Or - et c’est là, l’ambition - ce que nous voulons, c’est que l’écologie politique soit la nouvelle force dominante du camp progressiste de notre pays. Cela veut dire que des millions de personnes, qui n’avaient pas voté ou qui avaient voté Sarkozy en 2007, vont devoir voter progressiste en 2012, et j’espère que la plus grande partie de ces ex-abstentionnismes et « ex-droitiers » n’ira pas voter Front National, et qu’elle votera pour Europe Ecologie !

La salle s’est figée quand j’ai dit ma honte. Visiblement, la plupart des délégués de « Maintenant » n’étaient pas au courant. Puis une salve d’applaudissements éclate dans la salle : je distingue les petites tâches de couleur de leurs visages...

Naturellement, puisque nous sommes chez les écologistes, la motion censée réunir la totalité des courants n’obtient que 90% ! Mais il reste à élire 1/5 du bureau fédéral, le « parlement du parti » (soit 30 personnes), tous les autres ayant été élus en région. Ce « cinquième national » vise à représenter des militants qui ne sont pas spécifiquement liés à une région, mais plutôt à une thématique. Normalement les calculs nous donnent 7 élus. Surprise : nous en aurons 8 !

Deux douzaines de délégués ont voté pour nous au lieu de voter pour leur propre courant. Nous discutons avec les délégués : ce sont les antillais-e-s et les délégué-e-s d’origine familiale maghrébine, turque, ou sud-américaine qui ont voté pour nous, quelle que soit la motion qui les avait délégués. Hélas : le bureau exécutif quant à lui restera blanc comme un rêve de Laurent Blanc, et le Conseil fédéral sera à peine plus coloré.

Cécile Duflot monte enfin triomphante à la tribune, follement acclamée par toute la première moitié de la salle. Séparée par une allée transversale, l’autre moitié restera pendant tout son discours assise bras croisés, observant impavide ce déchaînement. C’est dommage : par ses ostracismes, Cécile a manqué une occasion magnifique d’unifier le mouvement derrière elle. Le lendemain, Philippe Meirieu, qui lui aussi a signé « Maintenant », est élu à l’unanimité et sous un tonnerre d’applaudissements président du conseil fédéral. Lui a su, par son comportement tout au long du congrès, incarner l’unité nécessaire d’Europe Écologie. C’est notamment lui (qui) a proposé puis présidé la commission qui a fait justice des calomnies répandues dans la presse contre les soi-disant malhonnêtetés de Dany Cohn-Bendit.

Mais déjà le mouvement a basculé dans le débat suivant : les primaires pour les présidentielles, qui occuperont tout le mois de juin.

Ca ne commence pas très bien : Nicolas Hulot déclare à la presse qu’il avait envisagé de former un ticket avec Borloo (ce qui n’est pas plus grave que d’être le frère de Tokia Saïfi ou d’avoir inspiré le Grenelle...). Mais, beaucoup plus ennuyeux : « Ce n’est pas possible actuellement, mais il reste encore 11 mois de campagne »... Et cela marque clairement les limites de Nicolas Hulot. Il est devenu anti-nucléaire grâce à Fukushima, et il faut lui en savoir gré, car il y a plus de joie sur la terre pour l’ouvrier de la 11e heure que pour ceux qui furent dès le début à la défendre. Quel nouveau coup d’éclat de Borloo (après l’autorisation des forages de gaz de schiste) convaincra Nicolas que, même dans 11 mois, il ne pourra pas faire de ticket avec Borloo ?

Non, je ne pense pas que la candidature Hulot serait une catastrophe, de toute façon une présidence verte de la République, ce n’est pas pour maintenant. Nous nous battons pour un score à 2 chiffres et cela, c’est possible. Et selon moi, ce sera possible avec Eva Joly. Car elle représente à la fois l’ouverture et la précocité, la sincérité de l’engagement à Europe Écologie. Et surtout elle incarne, à l’échelle internationale et jusque dans les institutions, la lutte contre la finance et sa corruption, qui détruisent la planète. Et c’est bien l’enjeu symbolique de la prochaine élection présidentielle.

Bon, en attendant , je pars pour une semaine de conférences écologistes au Paraguay."

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