J'étais inspecteur du travail quand Martine AUBRY était directrice des relations du travail (DRT) au milieu des années 1980. Formé au
début des années 1980, jamais dans ma formation initiale, je n'ai entendu parler de l'amiante. C'est en arrivant chez VALEO EMBRAYAGES que j'ai découvert que l'entreprise faisait des mesurages
réguliers de l'amiante dans les ateliers, mesurages considérés par elle comme satisfaisants et cela a duré comme cela jusqu'à mon départ de l'inspection du travail. A cette époque, le médecin du
travail qui officiait à la DRT travaillait également...chez un producteur d'amiante à temps partiel. Le directeur du bureau "conditions de travail n°5" siégeait au Comité permanent amiante qui
faisait du lobbying pour l'usage "contrôlé" de l'amiante.
Je ne sais pas si Martine AUBRY savait plus de choses que les inspecteurs du travail sur la toxicité de l'amiante. Si la juge d'instruction l'a convoquée, c'est qu'elle dispose d'éléments sur ce
point.
Ce qui est sûr, c'est que le code du travail ne faisait alors aucune différence entre la poussière de craie et la poussière d'amiante. L'article R 232-12 du code du travail exigeait que les poussières et les gaz soient évacués "au fur et à mesure de leur production". Il fallut la transcription des directives européennes en droit français pour qu'enfin une place spécifique soit donnée aux produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Et dire qu'il y a des imbéciles pour répandre l'idée que l'Europe, c'est le recul social ! Jamais la FRANCE seule n'aurait mis en place une réglementation aussi sophistiquée et utile pour la protection des salariés...
Ce n'est que lorsque le scandale ne put plus être caché, notamment grâce à l'action inlassable d'un Henri PEZERAT, que l'interdiction eût lieu, trop tard, en 1997. Mon hommage à Henri est ici
Pour ce qui me concerne, je repense très souvent - depuis que j'ai participé avec la FNATH après 1992 à la mise en place de la
plainte pénale qui débouche aujourd'hui - à mes nombreuses visites de l'entreprise VALEO EMBRAYAGES, passant totalement à côté de l'enjeu essentiel de la santé des salariés...