Commencé en 2005, le chantier du réacteur de troisième génération EPR d’Olkiluoto, dans le sud-ouest de la Finlande, devait initialement se terminer en 2009 et coûter autour de 3 milliards d’euros. Après avoir enchaîné les difficultés techniques, les retards et les surcoûts, le réacteur ne sera pas connecté au réseau avant février 2022 – au mieux –, selon l’opérateur finlandais TVO. Le coût total du projet, non communiqué, se rapproche désormais des 10 milliards d’euros.
Une nouvelle déception pour un projet qui n’a cessé d’accumuler les problèmes, alors qu’il devait être, à l’origine, la vitrine du savoir-faire franco-allemand en matière de nucléaire. Le chantier mené par le consortium Areva-Siemens accuse désormais douze ans de retard, soit un peu plus que celui de l’EPR de Flamanville (Manche), qui ne devrait pas être connecté au réseau avant 2023. Seulement deux réacteurs EPR sont opérationnels dans le monde, à Taishan, dans la province du Guangdong, en Chine.
Des années de conflit
Pour faire face aux nombreux aléas du chantier, Areva doit donc assumer ces surcoûts. Or l’entreprise est confrontée à un handicap important : elle n’en a pas les moyens financiers et pourrait se retrouver en cessation de paiements en avril 2021 si l’Etat n’intervient pas.
Pour comprendre cet imbroglio, il faut remonter à la quasi-faillite du groupe Areva en 2015, qui a été scindé en trois sociétés. Une opération qui a coûté 7,5 milliards d’euros aux finances publiques : 2,5 milliards pour la création d’Orano, qui gère le combustible nucléaire, 3 milliards pour qu’Electricité de France (EDF) puisse racheter Framatome, qui fabrique les réacteurs, et, enfin, 2 milliards pour conserver la structure Areva SA. Cette entreprise, qui appartient à 100 % à l’Etat, était pensée comme une entité entièrement consacrée à finir, le plus vite possible, le catastrophique chantier finlandais d’OL3. Cette réorganisation avait été pensée et mise en œuvre sous le mandat de François Hollande par son ministre de l’économie, Emmanuel Macron.
Après des années de conflit entre Areva et TVO, un accord global avait été signé en mars 2019 : le groupe français payait 450 millions d’euros de pénalités à TVO et s’engageait à finir le chantier avant la fin de cette même année. Les nouveaux retards annoncés en août obligent Areva à payer 400 millions d’euros supplémentaires, dans le cadre de cet accord.
Un calendrier tendu
Mais cela ne sera pas suffisant : selon un document confidentiel adressé au conseil social et économique (CSE) du groupe, que Le Monde a pu consulter, un nouvel accord entre Areva et TVO est en négociation. Les coûts supplémentaires pour Areva pourraient s’élever à 600 millions d’euros.
Pour se renflouer, l’ancien fleuron du nucléaire français n’a plus qu’une seule option : céder 16 % de sa participation dans Orano, aux frais du contribuable. Une nouvelle fois, l’Etat va donc devoir éponger les difficultés d’Areva. Le nouvel accord entre Areva, TVO et Siemens, qui construit la centrale, n’est pas encore signé, mais le calendrier est tendu : pour éviter une nouvelle faillite d’Areva, il faut trouver un débouché avant la mi-janvier 2021. D’autant que plusieurs procédures judiciaires en cours contre Areva pourraient également lui coûter cher : elles sont menées par EDF, qui lui reproche les défauts sur le chantier de Flamanville.
Le dossier embarrasse les pouvoirs publics, qui n’ont d’autre option que de continuer à renflouer Areva, sans aucune garantie que le chantier se termine dans les temps. Une partie des problèmes provient notamment du vieillissement de certains équipements qui sont devenus inutilisables, alors qu’ils n’ont jamais fonctionné. « Notre objectif, maintenant, c’est que le chantier se termine dans les temps, dit en soupirant Alexandre Crétiaux, délégué syndical central CFDT de Framatome. Si on remet de l’argent public, c’est pour arriver au bout. »