Droit de l'environnement, droit de l'impossible ?
11 Octobre 2023 , Rédigé par Thierry BILLET
Une heure d'exposé devant des justiciables et des étudiants de l'UCLY en matière juridique sur la problématique du droit de l'environnement autour de la question de l'effectivité de ce droit mineur. Selon le récent rapport MOLLIN, ancien procureur général près la cour de cassation, c'est 1% des affaires pénales en France avec des condamnations quasi systématiquement en dessous des minima prévus par les textes : un fiasco alors qu'on n'a jamais autant parlé d'écologie !
Depuis Robert POUJADE en 1971, 32 ministres se sont succédés : quelques uns ont tenu quelques semaines comme Nicole BRICQ. Ce doit être le record de FRANCE de la mobilité ministérielle. A chaque fois ou presque un livre qui explique qu'ils n'ont pas pu faire ce qu'ils espéraient coincés entre les Ministères de finances, de l'Industrie qui protège le nucléaire et l'agriculture qui protège l'agriculture intensive. L'actuel n'écrira rien puisqu'il est transparent. Savez-vous seulement son nom ? Quand un tel ministère est marginalisé par son turn over ou par la faiblesse des ses titulaires (quel autre ministre qu'un ministre de l'environnement a démissionné en direct à la radio ?) ou par des arbitrages systématiquement perdus, quelle peut être la force des lois qu'il arrive par extraordinaire à publier ?
Je me souviens du préfet CARENCO devenu récemment éphémère ministre de l'outre mer de MACRON s'exclamant dans son bureau annécien : "un préfet n'a qu'un ministre, le ministre de l'intérieur".
La création d'un pôle spécialisé à ANNECY avec l'appui d'une assistante spécialisée permettra peut-être d'améliorer les choses localement. C'est en tous cas ce que l'on peut souhaiter.
Ce droit a la particularité de ne pas être porté par les services de contrôle de l'Etat la plupart du temps inexistants ou tenus en laisse par des préfets trop souvent complices des contrevenants mais par les associations de défense de l'environnement qui alertent puis développent une compétence judiciaire pour défendre l'intérêt général.
C'est particulièrement vrai en matière administrative : qui a engagé les actions judiciaires pour faire respecter la loi LITTORAL sur notre lac à part l'association LAC D'ANNECY ENVIRONNEMENT ? Qui a fait avancer la jurisprudence avec l'affaire de BALMETTES et l'arrêt de la construction de l'immeuble ? Encore aujourd'hui qui sont les veilleurs quotidiens des permis de construire illégaux ou des constructions sans autorisation à TALLOIRES et ailleurs ?
On imagine le rapport de force inégal qu'une telle situation génère. Au plan pénal, les fonctionnaires et/ou les élus mis en cause bénéficient de la protection fonctionnelle et ne paient pas pour leur défense. Et les entreprises ont des moyens sans commune mesure avec ceux des associations. Cette inégalité de moyens se double d'une "inégalité dans le cynisme".
Par exemple, quand l'Etat prend chaque année le même arrêté que l'année précédente malgré le fait que le Conseil d'Etat l'ait annulé comme pour les chasses "traditionnelles", il oblige les associations à dépenser les cotisations de leurs adhérents pour "rien", espérant qu'elles se lassent ou qu'elles n'aient pas les moyens cette année-là de saisir la juridiction.
Quant aux relations incestueuses entre le Conseil d'Etat et les cabinets ministériels, où les conseillers d'Etat deviennent régulièrement directeur de cabinet de tel ou tel ministre pour revenir ensuite juger de la légalité des actes pris par le ministère qu'ils viennent de quitter.
J'ai gardé le souvenir typique d'un contentieux porté par la CRIIRAD contre la nomination d'un conseiller d'état pour diriger l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du nucléaire... Le décret fixant les conditions requises pour être nommé était d'être compétent en radio protection. Cela coule de source. Mais alors, sans faire offense aux compétences des conseillers d'état, leurs connaissances en radio protection sont nulles et aucun ne devrait siéger à l'ASN. Sûre de son bon droit, la CRIIRAD demande au Conseil d'état d'annuler la nomination de l'un de ses membres. C'est en soi déjà un problème sur le plan de l'impartialité, non ?
Mais voilà qu'arrive un courrier du Conseil d'état soulevant quelques jours avant l'audience une question d'ordre public que le Premier Ministre qui défendait la nomination n'avait pas soulevée. Le conseiller d'état en charge du dossier soulevait l'irrecevabilité de la saisine de la CRIIRAD au motif de son absence d'intérêt à agir... Alors même que depuis que la CRIIRAD avait été créée en 1986 pour dénoncer que le nuage de TCHERNOBYL ne s'était pas arrêté aux frontières de la FRANCE, elle avait mené des dizaines de contentieux sur le nucléaire ! Le Conseil d'état ne l'ignorait évidemment pas... Le nom du conseiller d'état qui avait eu cette brillante idée m'était connu. Un rapide recherche sur google m'apprenait que c'était l'ancien directeur de cabinet de JOSPIN à MATIGNON. Un jour décideur, le lendemain censeur de décisions prises par son alter ego ... qu'il remplacera peut-être après-demain. Cette particularité officialisant une partialité de principe est symptomatique du régime judiciaire français.
C'est la raison pour laquelle plusieurs associations de protection de l'environnement ont saisi la Cour européenne de la conformité de la composition du Conseil constitutionnel au regard des exigences d'impartialité posés par la convention européenne des droits de l'Homme. Composé largement d'anciens ministres qui statuent sur la constitutionnalité de lois prises par leurs anciens ministères et/ou par leurs amis politiques, le Conseil constitutionnel se retrouve dans une posture par principe partiale.
La suite ces prochains jours, il y a tant à dire...
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