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thierry billet

L'accès au lac, le respect de la loi littoral & la loi agricole

7 Octobre 2024 , Rédigé par Thierry BILLET

J'ai été très heureusement surpris par l'intérêt des annéciens à la Nuit du droit organisé par l'ordre des avocats et le Tribunal sur le thème du droit de l'eau. J'ai ainsi eu le plaisir d'exposer pendant une heure devant un public attentif l'actualité judiciaire de l'aquifère. J'en tire deux exemples locaux qui concernent l'accès à l'eau et le respect de la loi littoral.

D'abord, cette décision de 2011 du Tribunal administratif concernant le quai de Chavoires à VEYRIER qui ordonnait la destruction des obstacles physiques posés par les riverains sur le quai tout en considérant que les obstacles posés par la commune étaient justifiés par la dégradation du quai. En mai 2024, l'association BIEN VIVRE à VEYRIER écrivait à la commune pour lui rappeler ses précédents courriers sur l'absence d'exécution de ce jugement. 13 ans après, le jugement du TA est donc sans conséquence. Aucune autorité publique ne s'est préoccupée de le faire. Il faut faire l'hommage à la vérité de rappeler que l'avant-dernier maire de VEYRIER était personnellement concerné par le lieu. Cette absence de mise en oeuvre des décisions de Justice est ici caricaturale tant elle est représentative de l'absence d'effectivité du droit de l'environnement.

Ensuite, ces deux jugements du 3 septembre 2024 du TA de GRENOBLE concernant TALLOIRES et le respect de la loi LITTORAL qui donnent gain de cause à LAC D'ANNECY ENVIRONNEMENT pour annuler deux permis de construire (PC) contraires à la loi LITTORAL. On peine à croire qu'il faille 38 ans après le vote de la loi LITTORAL en 1986 à l'unanimité de l'assemblée nationale encore engager des procès pour la faire respecter. Il ne semble en effet pas hors de portée des architectes, géomètres et élus de mesurer les limites de la bande des 100 mètres inconstructibles. Et bien si... L'un des jugements est révélateur de la restriction majeure apportée à l'accès au Juge imposée par les gouvernements successifs pour réduire le contentieux et ne pas augmenter le nombre de magistrats. Ce jugement annule le permis de construire mais autorise le pétitionnaire à redéposer un permis modificatif pour s'adapter aux motifs du jugement d'annulation. Autour du lac, cette disposition légale s'accompagne, s'agissant de la contestation du PC modificatif de l'impossibilité de saisir le Tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel, puis le Conseil d'Etat : la contestation du PC modificatif part directement devant le Conseil d'Etat si le premier jugement du TA a été contesté. Car l'autre nouveauté est que les contestations des décisions du TA ne sont plus déposées devant la cour d'appel, mais directement devant le Conseil d'Etat.

Autrement dit, les gouvernements successifs réduisent les moyens démocratiques de contestation des décisions des  autorités publiques.

Un dernier exemple, pénal celui-ci, concernant la loi agricole. L'article 13 de cette loi d'opportunité destinée à éteindre la colère de la FNSEA en mai dernier a radicalement modifié le régime de la charge de la preuve dans le cas de destruction d'un habitat d'une espèce protégée ou de pollution par l'agriculteur, en introduisant une "présomption de bonne foi". Ce qui signifie que le Procureur de la République devra prouver la volonté intentionnelle de l'agriculteur de détruire le milieu protégé. Autrement dit, il devra trouver un courrier du délinquant disant qu'il a fait exprès de détruire la haie ou de vidanger son lisier dans la rivière. Bien entendu, c'est tâche impossible et donc il n'y aura plus jamais de poursuites pénales en ces domaines. L'impunité est devenue la règle absolue.

Le bémol qu'on peut cyniquement apporter est que ces poursuites pénales étant absolument exceptionnelles, l'impact pratique de cette disposition nouvelle sera epsilonien. Car ce qui frappe quand on examine les statistiques des poursuites pénales en matière environnementale et leur taux invraisemblable de classement sans suite de l'ordre de 90%, c'est la comparaison avec le discours de la FNSEA qui tendrait à faire croire que les agriculteurs n'arrêtent pas d'être controlés. En réalité, c'est l'inverse : il y a tellement peu de contrôles et tellement peu de condamnations que ceux qui les vivent arrivent à se convaincre qu'il s'agit d'un harcèlement à leur égard. 

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