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thierry billet

Nucléaire: le mensonge jusqu'où?

31 Juillet 2013 , Rédigé par Thierry BILLET Publié dans #Environnement

Par Corinne LEPAGE...

Pour tenter de justifier non seulement le maintien mais la relance de l'énergie nucléaire, jusqu'où le lobby nucléaire est-il capable d'aller?

La question mérite d'être posée lorsque l'on voit le niveau de désinformation et de déni de réalité auquel nos concitoyens sont soumis, avec le soutien à des degrés divers qui vont du silence au soutien actif, de la part du plus grand nombre des décideurs publics.

Commençons par la question économique et financière puisque c'est visiblement celle qui sert de prétexte au tout-nucléaire, que la France reste le seul pays au monde à prôner. En effet, il n'aura échappé à personne que le pompeusement dénommé débat national sur la transition énergétique ne sera même pas capable d'écrire le scénario proposé par le président de la République dans la campagne présidentielle de passer à 50 % d'électricité nucléaire en 2025, ce qui constituerait encore le niveau le plus élevé des grands pays dans le monde.

Le nucléaire serait une énergie d'avenir avec des perspectives de croissance mirobolantes. C'est un mensonge. Le niveau de production nucléaire dans le monde a rejoint le niveau qu'il avait en 1999 et la part du nucléaire dans le monde est aujourd'hui de 8%, soit le même niveau que 1983! Les énergies renouvelables représentent davantage aujourd'hui que le nucléaire. Pour une industrie d'avenir, le moins qu'on puisse dire est que la courbe est peu attrayante. Elle l'est d'autant moins que les coûts du nucléaire sont croissants, alors que ceux des énergies renouvelables sont décroissants. Déjà, le coût de production du KWh éolien est largement inférieur à ce que sera le coût du KWh sorti de Flamanville... S'il sort un jour.

Et encore, les calculs sont effectués alors que cette industrie n'est pratiquement pas assurée, et que les provisions pour le traitement des déchets à long terme et le démantèlement sont ridicules. Le nucléaire coûte d'autant plus cher que le contribuable est largement mis à contribution. Outre la recherche, le financement du commissariat à l'Énergie atomique (CEA), la prise en compte des régimes spéciaux des agents du nucléaire, le contribuable paye également pour ITER, Astrid, sans compter les investissements préalables faits par l'État, ce qui signifie que la rente nucléaire devrait appartenir en totalité au contribuable. En réalité, le nucléaire coûte plus cher aux contribuables que les énergies renouvelables, qui reviennent globalement à 60 euros par an par usager dans le cadre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

Continuons avec le risque et le cas d'école que constitue Fessenheim. Avec sagesse, François Hollande avait annoncé sa fermeture en raison de son ancienneté et du risque sismique. Pour mémoire, cette centrale est située à proximité de Bâle, victime d'un tremblement de terre classé tout d'abord 6,2 sur l'échelle de Richter et évalué aujourd'hui entre 6,9 et 7,2. Tous les calculs initiaux sont donc faux et le degré de sécurité très insuffisant, même si un coefficient de sécurité de 0,5 avait été pris en compte. Fessenheim est située très en dessous du canal du Rhin, situation aujourd'hui interdite par la nouvelle réglementation. Le risque de rupture brutale des digues a conduit le conseil général à demander des travaux bien précis. Il devra se contenter d'une étude... Dont les résultats seront connus en 2014 au mieux. Cette centrale est la seule de France à ne pas disposer d'autorisation de rejets chimiques en parfaite infraction avec le droit communautaire, sans doute en raison de rejets de bore et d'élévation de la température incompatibles avec la réglementation, dus à l'absence de tour aéroréfrigérée.

Peu importe au Conseil d'État qui vient de rejeter la demande de fermeture réclamée par plus de 100 collectivités locales, allemandes, suisses et françaises, par un arrêt qui ne répond pas aux questions posées et qui confond travaux et études pour considérer un risque réduit a fortiori résolu. Il est vrai qu'il y avait été invité par le ministère de l'écologie et l' Autorité de sécurité nucléaire chantant dans un même cœur l'absence totale de risque à Fessenheim. Cette fermeté justifiera dans l'éventualité d'un accident la responsabilité personnelle de tous ceux qui auront couvert ou émis ces contrevérités. Car de plus en plus, l'État prend en compte la réalité du risque d'accident dont le lobby nucléaire a durant 30 ans prétendu qu'il n'existait pas en France... Sauf que les crédits à la sureté nucléaire baissent selon la ministre sortante, qu'EDF a désinvesti en France depuis 15 ans et n'a pas les moyens de mettre ses centrales aux normes post Fukushima à bref délai. La seule réponse concrète est la constitution d'une force d'intervention en cas d'accident. Nécessaire, mais pas très encourageant!

Finissons avec le risque réalisé. La désinformation et le mensonge post Tchernobyl se poursuit à Fukushima. L'organisation de l'ignorance officielle quant au nombre de morts et de victimes a parfaitement fonctionné à Tchernobyl, même si certains médecins et organismes ont évalué la réalité du drame. Aujourd'hui encore, je peux témoigner, pour être allée inaugurer un modeste centre de soins et de protection des femmes enceintes financé par l'Europe à Ivankov, de la permanence des effets. Les enfants d'aujourd'hui dans ce district, qui jouxte la zone interdite, sont à plus de 90% considérés comme victimes de Tchernobyl, car ils souffrent de maux qui vont de malformation à des pluripathologies lourdes qui incluent les malformations et les cancers. En Corse, les effets de Tchernobyl ont provoqué une hausse de 30% des cancers de la thyroïde chez les hommes selon une étude très récente. Mais le nuage a épargné la France comme chacun sait... La même tragédie se met en place au Japon avec le concours du lobby nucléaire français qui espère pouvoir recevoir quelques contrats de ce pays martyr du nucléaire, dont 80% de la population ne veut plus. Le mensonge préparé par les "experts" est si gros que les experts belges se sont désolidarisés et l'ont fait savoir. L'agence européenne de l'environnement a dans son dernier rapport, signaux précoces, leçons tardives, bien analysé les conséquences d'une exposition post accident nucléaire.

Ainsi, alors que les progrès technologiques, notre intérêt économique, industriel et financier, le risque vital auquel nous exposerait un accident nucléaire en France nous enjoignent de changer de cap, l'oligarchie constituée autour de l'industrie nucléaire nous expose, dans son seul intérêt, à tous les risques à commencer par celui de rater le coche de la ré-industrialisation.

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