L’enterrement du référendum sur le climat, à quelques jours de la prise de parole du chef de l’Etat sur les grands chantiers de la fin du quinquennat, n’a surpris personne. Depuis l’ouverture du débat parlementaire, il y a six mois, l’on savait que le projet de révision constitutionnelle visant à inscrire à l’article premier de la Constitution la préservation de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique avait très peu de chance d’aboutir.Pour que les citoyens aient leur mot à dire, il fallait qu’au préalable l’Assemblée nationale et le Sénat s’accordent ligne par ligne sur la rédaction du texte qui leur serait soumis. Or, d’emblée, la Haute Assemblée a émis des réserves sur le verbe « garantir », dans la phrase qui prévoyait que « la République garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique ». Le gouvernement et l’Assemblée nationale entendaient au contraire le maintenir.La majorité sénatoriale, de droite, a souligné le risque d’une explosion des contentieux du fait de la quasi-obligation de résultat découlant de la formulation du texte. La majorité présidentielle a rétorqué que ce terme avait été proposé par la convention citoyenne pour le climat au terme d’un long travail d’appropriation des enjeux climatiques. A l’issue de deux lectures dans les deux Assemblées, le différend est resté en l’état, poussant le premier ministre, Jean Castex, à annoncer, mardi 6 juillet, l’abandon du référendum.
Cri d’alarme des scientifiques
L’absence d’effet de surprise qui a accompagné cette annonce n’atténue en rien l’impression d’échec collectif que laisse ce projet avorté. Mois après mois, l’urgence climatique s’impose comme l’une des grandes priorités à traiter. Partout dans le monde, les signes d’un profond dérèglement se multiplient, donnant chaque jour un peu plus de consistance au cri d’alarme des scientifiques. Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assurent des centaines d’entre eux, rattachés au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ils deviendront douloureusement palpables bien avant 2050.
Eu égard à ces dangers, les calculs politiciens auxquels s’adonnent les acteurs politiques français apparaissent dérisoires. Fallait-il vraiment que le président de la République engage la procédure référendaire s’il savait que les conditions n’étaient pas réunies ? Que vaut la prudente argumentation du Sénat au moment où le Conseil d’Etat vient de sommer le premier ministre d’agir pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre parce que les engagements de l’accord de Paris ne sont pas tenus ? Pourquoi la gauche n’est-elle pas montée en appui de la convention citoyenne pour le climat afin de prendre à témoin l’opinion et exiger le référendum ? Chacun est resté dans son couloir, obnubilé par la compétition présidentielle. Celle-ci pousse le président de la République à rejeter la droite dans le camp des climatosceptiques et la gauche à démontrer que, depuis le départ de Nicolas Hulot du gouvernement, Emmanuel Macron ne parvient pas à faire avancer la cause.