LA SEULE SUPPRESSION DU JUGE D’INSTRUCTION, UNE DÉRIVE DANGEREUSE POUR LES LIBERTÉS
Le Président de la République vient de faire connaître sa volonté de supprimer le juge d’instruction et de confier toutes les enquêtes judiciaires au parquet, sous le contrôle d’un juge de
l’instruction.
Cette annonce d’une réforme essentielle de notre procédure pénale, qui évoluerait vers un système accusatoire, intervient alors que, d’une part, le comité de réflexion sur la justice pénale doit
présenter dans six mois des propositions de rénovation du code pénal et du code de procédure pénale, que d’autre part, l’essentiel des 80 propositions de la commission d’enquête parlementaire
chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau n’a toujours pas été traduite dans la loi, (malgré les quelques avancées de la loi du 5 mars 2007
tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale). et enfin alors que l’instauration des pôles d’instruction visant à généraliser la collégialité de l’instruction vient à peine d’entrer en
vigueur le 1er mars 2008 ce qui, pour la chancellerie justifiait la réforme, sans concertation, de la carte judiciaire …
Sans être opposé par principe à un tel bouleversement qui devra respecter les orientations proposées dès 1990 par la commission DELMAS-MARTY, le SAF considère que trois conditions préalables à une
telle réforme s’imposent pour qu’elle soit envisageable :
- La nécessaire indépendance du parquet à l’égard du pouvoir exécutif qui aujourd’hui le contrôle. A défaut, la réforme constituerait un grave recul des libertés fondamentales en autorisant
le classement des affaires politico-financières sensibles sur instruction du pouvoir.
- L’instauration de moyens procéduraux nouveaux dans le respect strict du principe de l’égalité des armes, imposé par la Convention Européenne des Droits de l’Homme : présence
effective permanente de l’avocat dès le début de l’enquête et donc : accès au dossier, assistance lors des interrogatoires et confrontations en garde à vue, saisine du juge de l’instruction en cas
de refus d’acte par le parquet. Possibilité pour la victime de mettre en mouvement l’action publique, comme elle peut encore le faire malgré les limitations apportées par la loi du 5 mars 2007
(recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile désormais conditionnée par le classement sans suite préalable d’une plainte ou l’expiration d’un délai de trois mois après son
dépôt)
- L’accroissement des moyens matériels accordés à la défense afin d’assurer une assistance efficace et égale de tous les justiciables notamment au titre de l’aide juridictionnelle .
En l’état, le Syndicat des Avocats de France ne peut que s’opposer à une réforme qui serait limitée à la seule disparition du juge d’instruction, juge indépendant, et à la mainmise du pouvoir
exécutif sur la justice .