REACH,Un cadeau de Noël pour l'industrie chimique ?
Je suis extrêmement préoccupé par la progression du nombre de cancers et par le lien entre la dégradation de notre environnement, la pollution chimique et la santé publique. La directive REACH représentait un espoir de voir l'industrie chimique obligée d'évaluer la toxicité de ses produits AVANT leur mise sur le marché; ce qui n'est après tout qu'une évidence... Les dossiers locaux dont je m'occupe, en particulier celui de l'incinérateur de GILLY SUR ISERE ou celui des cancers de la thyroïde me font me passionner pour ces questions. Après avoir été inspecteur du travail, et être totalement "passé à côté" de la prévention du risque de l'amiante, comme tout le Ministère du Travail et l'ensemble des services de prévention, c'est avec beaucoup d'attention que j'ai suivi le travail des eurodéputés VERTS sur cette directive.
TB
Le vote de la nouvelle réglementation européenne sur les substances chimiques
se solde par l’adoption d’un compromis décevant.
C'est fait, après presque 10 ans de préparation et de négociations, la nouvelle réglementation européenne sur le contrôle des substances chimiques a été votée mercredi 13 décembre, par le Parlement européen. Si elle présente des avancées majeures, elle constitue également une forte déception. Déception de constater que l'Europe, les Etats membres, le Parlement européen n'ont pas fait preuve d'une volonté politique assez forte face à la ténacité du lobby de l'’industrie chimique qui, au final, a réussi à amoindrir significativement le projet, au dépend de la santé et de l'’information des consommateurs.
L'Europe a laissé passer une occasion en or : celle de supprimer de notre environnement quotidien toutes les substances qui présentent un danger avéré ou potentiel pour la santé et pour lesquelles il existe des alternatives. Face à l'intérêt général, celui de la santé publique, ce sont les intérêts particuliers de l'industrie chimique qui ont prévalu. Pourtant, l'augmentation du nombre de cancers, des problèmes de fertilité, des troubles du développement chez l'enfant, des maladies professionnelles, directement liée à l'emploi généralisé de substances toxiques dans les produits de consommation, représente un coût considérable pour la collectivité toute entière, bien plus important que celui qui aurait pesé sur l'industrie chimique si un dispositif complet et véritablement protecteur de la santé avait été adopté.
Le vote
Finalement, les parlementaires européens ont voté, à une large majorité, le Règlement REACH par 529 voix pour, 98 contre et 24 abstentions. Le texte adopté est mot pour mot celui du compromis négocié le 30 novembre dernier entre le Conseil et les partis PPE (Conservateurs), PSE (Socialistes), ALDE (Libéraux) et UEN (Union pour l'Europe des Nations). Il contient des dispositions introduites en dernière minute par le PPE, qui ont pour seul but de décharger l'industrie chimique de sa responsabilité de réduire les risques liés à l'utilisation de substances chimiques dangereuses.
Les Verts et la GUE (Gauche unitaire) ont refusé ce compromis. Les Verts ont proposé deux compromis alternatifs qui n’ont pas été examiné du fait de l’adoption du compromis soumis au vote. Ils ont également présenté des amendements au compromis adopté, afin d’y introduire quelques améliorations ; ceux-ci ont tous été rejetés.
Voir en ligne -> http://verts-europe-sinople.net/article812.html
Et maintenant ?
Le Règlement REACH devrait entrer en vigueur à la mi- 2007 dans les 27 Etats membres. L’impact qu’aura cette nouvelle réglementation est aujourd’hui difficile à évaluer. Une chose est sûre : REACH permettra d’avoir plus d’information sur les substances chimiques, mais il n’est pas certain qu’il assurera aux citoyens de l’UE une protection accru contre les plus toxiques d’entre elles.
Tout dépendra de la façon (délais, efficacité, transparence) dont elle sera mise en œuvre. Déjà, on ne peut que constater que les délais prévus pour la présentation de certaines données de sécurité par les industriels sont excessifs (11 ans). En outre, de nombreuses points restent à préciser et à compléter: le dispositif n’est donc pas encore opérationnel et les décisions qui seront prises dans les mois qui viennent auront un impact décisif sur son efficacité réelle.
Une Agence européenne des produits chimiques, basée à Helsinki, en Finlande, aura pour fonction la gestion des aspects techniques, scientifiques et administratifs du système REACH. On ne peut qu’espérer qu’elle aura les moyens et l’indépendance nécessaire à sa mission. Il reste que les services de la Commission resteront décisionnaires sur de nombreux points. La mise en œuvre de REACH risque d'être un processus peu transparent, dans lequel l'industrie chimique aura une influence considérable.
Il est donc essentiel de rester mobilisés pour garantir une mise en œuvre effective de la réglementation et proposer l’adoption prochaine de mesures complémentaires qui permettront de l’améliorer.
Les consommateurs pourront faire pression sur les fabricants en faisant un usage illimité de l’unique prérogative qui leur soit accordée par la nouvelle réglementation : le droit de demander (et d’obtenir !) la liste des substances les plus dangereuses contenues dans les produits qui se trouve sur le marché.
Ainsi, s’il est correctement mis en œuvre, REACH permettra de réduire notre exposition quotidienne à certaines substances toxiques, à l’origine de l’explosion du nombre de cancers, des troubles du développement chez l’enfant et de la baisse de la fertilité.
REACH, une longue histoire ...
Le Règlement REACH (Registration, Evaluation and Authorization of Chemicals) va remplacer la réglementation existante, datant d’une quarantaine d’années, dans le cadre de laquelle les substances chimiques étaient soumises à des restrictions d’usage au coup par coup. REACH a pour objectif affiché «d’améliorer la protection de la santé humaine et l’environnement tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l’esprit d’innovation de l’industrie chimique européenne» grâce à un dispositif d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques.
Entre sa présentation en 2003 par la Commission et son adoption la semaine dernière, ce projet a beaucoup évolué. Il a été enrichi par le Parlement européen, qui y avait introduit le principe de substitution obligatoire pour les substances très préoccupantes (cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, bioaccumulables et persistantes dans l’environnement), c’est-à-dire leur remplacement par des alternatives moins nocives quand elles sont disponibles à un coût raisonnable.
Malheureusement, l’industrie chimique n’a eu de cesse d’amoindrir le projet, en mettant en avant le coût exorbitant de sa mise en œuvre et les impacts négatifs qu’il aurait pour l’économie. Elle a réussi à faire suffisamment pression sur les gouvernements des Etats membres, pour que ceux-ci négocient au final avec la majorité conservatrice du Parlement un compromis affaibli, qui fait primer les intérêts économiques à court terme, sur la santé publique.
Les eurodéputés Verts se sont battus tout au long du processus pour que les garanties protégeant la santé ne soient pas sacrifiées. Les Verts ont mené une campagne pour un REACH renforcé, pour relancer la recherche en épidémiologie et en toxicologie et pour limiter les tests sur les animaux.
Le dispositif REACH : verre à moitié plein, verre à moitié plein
Une approche novatrice
Le dispositif mis en place par la réglementation REACH est unique en son genre, car il va permettre de répertorier plus de 30 000 substances chimiques utilisées en Europe. Les industriels seront désormais tenus de fournir des données sur la sécurité de ces substances (mais uniquement lorsqu’ils en produisent ou importent plus de 10 tonnes par an).
Ce dispositif va permettre d’évaluer l’impact de certaines des substances les plus dangereuses sur la santé et sur l’environnement, de contrôler et de limiter leur production et leur usage. Un système d’autorisation est prévu pour quatre catégories de substances :
- les substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR),
- les perturbateurs endocriniens (EDC),
- les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT),
- les substances très persistantes et très bioaccumulables (vPvB).
Les insuffisances du dispositif : un principe de substitution limité
Sur les 100 000 substances chimiques commercialisées en Europe, seules 30.000 sont visées par le Règlement REACH.
De nombreuses substances chimiques potentiellement nocives pour la santé vont continuer à être utilisées dans les produits de consommation courante. En effet, l'obligation de substitution ne s’applique pas à toutes les substances dangereuses et ce même quand des alternatives plus sûres existent. Elle ne s’appliquera pas à de nombreuses substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction ni à certains perturbateurs endocriniens, en particulier lorsque l’industriel pourra prouver qu’il peut contrôler les risques « de façon adéquate ».
L’information du consommateur jusqu’à présent inexistante, reste très insuffisante : aucun étiquetage des produits n’est prévu. Le consommateur pourra demander au fabricant d’un produit la liste des ingrédients « extrêmement préoccupants » qu’il contient.
Le coût de REACH
Les industriels mettent en avant les coûts évalués à 2,3 milliards d’euros sur 11 ans, ce qui représente moins de 0,05% du chiffre d’affaires de l’industrie chimique. Selon la Commission, REACH pourrait éviter plus de 4 000 morts par an. En février 2006, la Commission a publié un nouveau rapport, montrant que REACH pourrait apporter des bénéfices environnementaux allant jusqu'à 95 milliards d'euros dans les 25 années à venir. Cela s'ajouterait aux 50 milliards d'économie qui serait réalisés dans le secteur de la santé dans les 30 prochaines années, grâce à REACH.